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2 mai 2010 7 02 /05 /mai /2010 20:05

 

une poule derrière un mur

qui se piquait aux drogues dures

tapina, tapinait

lève une queue

et puis s’en va

 

 

 

 

 

 

Ecrit pour les Impromptus littéraires : "derrière le mur"

 

 

 

 

 

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19 avril 2010 1 19 /04 /avril /2010 23:35

 

Quand je vis le menu hachis qui avait été fait avec le corps, je sus d’instinct que l’enquête serait difficile.

 

 

 

 

 

Ecrit pour les Impromptus littéraires avec pour contrainte de commencer par « Quand je vis le menu ».

 

Ma participation minimaliste a donné lieu, sur une initiative de l’inénarrable Joe Krapov, à un délicieux cadavre exquis, alors ceux d’entre vous qui se sentent l’âme gastronome et/ou sanguinaire, vous pouvez aller le poursuivre là-bas, ou en commencer un autre ici… A vot’ bon comm’ m’sieur dam’ !

 

 

 

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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 00:23

 

« En vrai, avant ma naissance, dans le ventre de ma mère, on était deux. Des jumeaux. Sauf que mon petit frère a pas pu trop grandir. J’ai pris toute la place et pour finir je l’ai « absorbé », comme ils disent. En vrai, je l’ai mangé. Sans rire ! Même que ça a un nom, ce que j’ai fait : ça s’appelle « cannibalisme intra-utérin ». Je le sais, j’ai cherché. Mais c’est pas vraiment comme du vrai cannibalisme, vu que mon frère il était pas fini quand je l’ai mangé, et moi non plus, finalement, même si je l’étais un peu plus que lui. Du coup, il a continué à grandir après que je l’ai mangé et moi aussi et pour finir ça fait que je suis né avec mon frère en dedans qu’avait quand même un peu poussé. Alors comme ça j’ai l’air d’un garçon, mais en vrai je suis deux. Ou presque. En tout cas je suis moi avec des bouts de mon frère en dedans.

« Non, non, ça fait pas mal. A lui ? Ah, je sais pas ça… mais je crois pas, vu que quand même il est genre comme un peu mort… Mais son âme est vivante, tu vois, ça fait comme si j’avais deux cerveaux, un peu. Et c’est pratique, parce que je peux dire que des trucs c’est pas de ma faute, c’est lui qui m’a forcé. Ça marche moyen bof mais quand même comme ils savent pas trop ils disent rien, des fois que ce serait vrai.

« Ah ben non, c’est pas vrai, non… quand tu manges du poulet après t’as pas des idées de poule, hein ! Ben moi pareil avec mon frère, sauf que c’est pas un poulet et que je l’ai mangé un peu vivant… un peu comme si j’avais mangé un poussin, quoi. Dans l’œuf.

« Non, c’est pas dégueu ! Et puis j’ai pas fait exprès, hein, j’étais même pas né t’as qu’à voir ! En fait, j’étais même pas vraiment vivant non plus. Alors comme maintenant oui, ben peut-être que mon frère aussi. C’est la super classe, hein ? Comme si j’étais possédé, tu vois, comme dans le film, là… Le truc, c’est de faire croire, surtout. Les filles je leur fais trop peur ! Mes parents ils osent rien me dire et même la bande à Arthur ils m’embêtent même pas ! Non, sans rire, quand on est môme, pour être quelqu'un il faut être plusieurs. »

 

 

 

Ecrit pour les Impromptus littéraires avec pour contrainte de terminer par la citation d’Emile Ajar : « quand on est môme, pour être quelqu'un il faut être plusieurs. »

 

 

 

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14 avril 2010 3 14 /04 /avril /2010 00:01

 

A toi le bel indifférent dont le chemin s’est gentiment écarté du mien, jusqu’à s’en éloigner trop pour pouvoir me reconnaître si d’aventure tu t’étais retourné,

A toi le torturé magnifique qui m’as tant et si bien tirée vers le fond, plus profond que le fond dont tu cherchais à remonter, que je n’ai jamais réussi à regagner la surface,

A toi le méchant éclatant qui n’as pris le temps que des promesses avant de tourner le dos,

A toi le fou passionné qui partis me décrocher la lune pour finalement t’installer sous d’autres cieux,

 

A vous tous mes hommes merveilleux qui avez méticuleusement pris soin de me briser le cœur, me fendre l’âme, me piétiner l’amour propre comme le sale,

A vous qui n’avez pas ménagé votre peine pour me rappeler que le prince charmant n’est qu’une lubie de petite fille,

A vous, pour m’avoir toujours repris infiniment plus que vous ne m’aviez donné,

A vous, si incroyablement prompts à oublier et ignorer le carnage de vos méfiances, de vos doutes, de vos lâchetés et de vos névroses,

 

A vous, vous, vous encore, qui pensez si bien à vous, tellement mieux à vous, que personne mieux que vous ne saurait chanter vos louanges,

A vous enfin qui nourrissez si bien les clichés et le bon sens populaire et n’hésitez jamais à seriner en guise de noble justification à vos négligences qu’il vaut mieux être seule que mal accompagnée,

A vous, toute mon admiration pour votre aplomb, votre virulence et votre inébranlable assurance à chaque coup asséné. Toute ma reconnaissance pour m’avoir si bien ouvert les yeux que j’en viendrais presque à vouloir me les crever. Tout mon amour aux rares souvenirs que vous n’avez pas réussi à souiller.

thumb-recousu.jpg 

Mais à toi le doux, l’aimant, le sincère, qui sauras me prouver qu’ils ne sont pas tous pareils,

Toi qui m’aimeras sans compter, sans hésiter, sans réfléchir, comme je t’aimerai,

Toi qui irrigueras mon cœur asséché sans sucer mon sang en retour,

Toi que je rêve encore et toujours,

Toi le bon, toi qui arriveras quand je n’attendrai plus que l’oubli,

Toi… passe ton chemin.

 

Je t’aimerai bien trop et je te ferai fuir.

 

 

 

 

 

 

 

 

Ecrit pour les Impromptus littéraires : « Soyez dithyrambique ! »

 

 

Illustration Iruka

 

 

 

 

 

 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 00:01

 

Son invitation m’avait surprise. Ça faisait déjà bien longtemps que je ne m’attendais plus à le voir revenir dans ma vie, mais alors moins encore de cette façon. Depuis le temps qu’il était parti, sans me quitter vraiment, sans me dire adieu, sans se priver de la possibilité de revenir, mais sans me donner non plus de raisons de penser qu’il reviendrait, j’avais fini par me détacher. Un peu. Douloureusement. Dans les larmes, la colère, la honte aussi, mais je m’étais un peu détachée. Alors évidemment, quand j’ai reçu cette carte, je l’ai d’abord froissée et jetée en reconnaissant l’écriture. Et je l’ai ramassée. Et puis je l’ai lue. Quelques mots. Un rendez-vous entre chien et loup au bord de l’eau. Pas d’explication, pas d’excuse, toute l’assurance et l’arrogance du vainqueur entre les lignes. Pourtant… pourtant mes doigts tremblaient et je sentais ce pincement caractéristique dans ma poitrine. J’aurais voulu ne pas recevoir cette carte. J’aurais voulu réussir à l’ignorer. J’aurais voulu la froisser de nouveau et l’oublier. Au lieu de ça j’ai perdu le sommeil les quelques nuits précédant le rendez-vous. Et des heures le jour-même à choisir ma tenue et à tenter de me rendre jolie sans en avoir l’air. J’étais fébrile, excitée autant qu’angoissée et surtout comme résignée, incapable de faire autrement qu’y aller, comme si ma volonté avait fondu au feu de la passion qui m’avait consumée à son contact.

Le jour déclinait quand je suis arrivée sur ce petit chemin bordé de saules qui longe la rivière. Dans la pénombre je devinais malgré tout le rouge des roses qu’il y avait déposées pour me guider. Lui qui ne m’avait même jamais cueilli une pâquerette dans un square, on peut dire qu’il avait soigné sa mise en scène pour les retrouvailles. Ça ne lui ressemblait pas du tout, mais je ne pouvais que noter l’effort. Au bout de ce sentier fleuri était déposée au sol une nappe, au centre de laquelle trônaient un superbe bouquet et une bouteille de champagne. Des bougies savamment disposées conféraient à l’ensemble l’ultime touche de romantisme pour parfaire le tableau. Le décalage absolu de la scène par rapport à l’homme qu’il avait toujours été et son côté totalement désuet étaient à la fois amusants et presque touchants. Je l’ai alors entendu qui s’approchait de moi :

-          Ah ! Mon amour, tu es venue !

Je me suis retournée, les jambes soudain en coton, et en le voyant… J’ai attrapé la bouteille et lui ai fracassé le crâne avec.

-          Poisson d’avril mon ange.

 

 

 

 

Ecrit pour les Impromptus littéraires sur le thème : « Poisson d’avril ».

 

 

 

 

 

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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 22:49

 

Juchée sur ses trop hauts talons, elle paraît toujours près de tomber en descendant le perron. Sa démarche malgracieuse et instable me fend le cœur. Ses longues cannes trop maigres semblent sur le point de se briser sous son propre poids à chaque pas. Elle avance pour ainsi dire à demi nue, la peau si pâle qu’elle paraît presque bleue sous la lumière crue des lampadaires. Elle va s’adosser au mur à l’angle de l’impasse pour attendre. Son regard semble ne jamais vraiment se poser sur quoi que ce soit, sauf quand elle part avec un client. Elle lève alors systématiquement les yeux vers moi et fait de même quand elle revient. Je ne pense pas qu’elle me voie. Je ne sais même pas si elle sait que je suis là. Je ne sais pas ce qu’il lui a raconté. Et son regard est tellement vide, transparent… peut-être ne regarde-t-elle même pas vraiment. Peut-être est-ce un simple automatisme, comme tout ce qu’elle fait chaque nuit sans y penser… j’espère qu’elle n’y pense pas. Putain, j’espère vraiment.

Elle a l’air suffisamment défoncée pour ne jamais penser à rien de toute façon. Il se donne les moyens de ne pas perdre le contrôle, ce salopard. Et moi j’en crève de la voir comme ça, cette pauvre gosse, mais qu’est-ce que je pourrais faire ?

Je ne la voulais pas, moi. Je ne savais pas encore à quel point j’avais raison. C’est lui qui m’a forcée. Moi je savais que je ne serais pas une bonne mère. Et je ne parle même pas d’éducation ; je ne pouvais déjà tout simplement pas être un bon ventre. Comment peut-on imaginer qu’une pute camée d’à peine 15 ans pourrait mettre au monde un bébé avec un avenir ? Mais il m’a collé au train pendant toute la grossesse pour m’empêcher de me faire avorter. Au début, j’essayais bien de la faire passer en me mettant des coups ou en me récurant les entrailles à la javel, mais rien à faire, elle s’accrochait ; à croire qu’elle y tenait, à cette vie de merde. Pauvre môme. Et puis dès que j’ai vraiment commencé à la sentir en moi, je me suis mise à flipper autant de la perdre que de la garder, alors j’ai laissé faire la nature. Je ne sais pas pourquoi lui tenait tant à l’avoir ; il n’avait même pas de raison de penser qu’elle était vraiment de lui, vu que je me faisais sauter entre 5 et 10 fois par nuit pour renflouer ses caisses. Et pour ce qu’il a fait d’elle… Il devait trouver marrant d’avoir une fille qui soit en même temps sa petite-fille. Et ça l’excite sûrement comme un dingue quand il la saute. Moi c’était le seul moment où il voulait bien que je l’appelle papa. Elle, il lui demande sans doute de l’appeler papy.

La voilà qui disparaît dans l’obscurité de cette impasse. Je sais qu’un jour elle n’en ressortira probablement pas. Un jour un client lui ouvrira le ventre et la laissera se vider de son sang dans une poubelle. Ou elle crèvera toute seule d’une overdose en se collant les saloperies de son père dans les veines.

Je ne sais pas si je lui souhaite que ça arrive le plus tôt ou le plus tard possible. Je voudrais la tirer de là, mais qu’est-ce que je pourrais faire ? Quand elle est née et que j’ai vu cette petite chose toute rose et toute ronde posée sur mes bras maigres, j’ai voulu me faire croire qu’on pourrait s’en sortir. J’ai essayé de partir, de l’emmener le plus loin possible de lui et de cette vie, mais il m’a vite retrouvée et broyé les deux jambes. Depuis, il me garde là, il ne me laisse même pas mourir, seulement pleurer. Et me demander ce que je pourrais bien faire, clouée dans ce fauteuil même pas roulant, que cette enflure a posé juste devant la fenêtre, d’où la vue sur l’abominable déchéance de ma fille est imprenable.





Ecrit pour les Impromptus littéraires.


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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 18:18

Il a plu.

Ah ?

Oui. Une goutte.

Tiens donc !

Dans mon œil.

Lequel ?

Le gauche.

Vraiment ?

Oui. Ça m’a fait cligner.

L’œil gauche ?

Le droit.

Ah oui ?

Pour équilibrer.

Bien sûr.

Vladimir a tout vu.

La goutte ?

Le clin.

Mince !

Si on veut.

Si on veut ?

Quoi donc ?

Mince le clin si on veut ?

Ah oui. Plutôt non.

Pas mince ?

Pas une mince affaire, non.

J’en ai l’eau à la bouche !

De pluie ?

Plaît-il ?

Non rien.

Alors ?

Alors quoi ?

Vladimir.

Ah oui. Il a eu des débordements.

Il n’avait pas vu la goutte ?

Et non.

Et donc ?

Il a cligné aussi.

De l’œil droit ?

Du gauche.

Ah tiens.

Pour faire miroir.

Bigre !

N’est-ce pas ?

Et puis ?

Et bien…

Je vois.

Hm…

Mais il n’a jamais su ?

Pour la goutte ?

Oui.

Non.

Quelle histoire !

Ça !

En somme, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le slave.

En somme.



 

Ecrit pour les Impromptus littéraires : commencer par « Il a plu ».

 



 

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22 février 2010 1 22 /02 /février /2010 23:51

 

Chaque matin, vers dix heures, je me levais. C’est pas tant que j’avais des trucs à faire, mais je trouvais que c’était une bonne heure, dix heures. Pas trop près de l’heure de pointe, mais assez loin du déjeuner pour pouvoir petit déjeuner quand même. Quand je pouvais. Une bonne heure. Et bon, faut dire aussi que c’est l’heure à laquelle la gardienne me virait pour serpiller, alors j’avais fini par en prendre mon parti. Je ramassais les quelques pièces qu’on m’avait balancées pendant la nuit et j’allais jusqu’à mon coin. Je bossais plus sur place depuis longtemps. Par principe d’abord, parce que bosser à domicile ça te tue une vie sociale en un rien de temps, et puis c’est bien de se dégourdir un peu les jambes aussi. Ensuite, faut bien avouer : je ramassais pas grand-chose sous mon porche, tandis que mon coin… une manne ! Mais je m’en faisais déloger à n’importe quelle heure et du coup j’avais le sommeil en vrac, alors ça m’a conforté dans l’idée de pas bosser à domicile - ou de pas dormir au boulot, c’est selon. Bref. A dix heures, donc, je rejoignais mon coin. Un bon coin, à l’abri du vent et de la pluie, à l’ombre aux heures les plus chaudes l’été, pas trop dans le passage parce que les gens aiment pas qu’on les oblige à faire un détour quand ils voudraient faire comme si on n’était pas là, pas trop à l’écart non plus parce que ceux qui veulent bien voir poussent pas quand même jusqu’à chercher, bref : un bon coin.

Mais j’entrais jamais dans la cathédrale. Déjà, même spacieux, les endroits clos c’est fatal pour les gens qui puent. Si tu mets le chaland mal à l’aise en l’obligeant à te fuir parce qu’on se pince pas le nez dans un lieu saint, il te le fait payer en mettant sa pièce dans le tronc au lieu de ta gamelle. En plus, à l’intérieur, tu te prives des badauds qui viennent voir les gargouilles, mais qu’entrent pas parce que dedans il fait froid, il faut pas être en tongs, il faut prier, ils disent dans le guide que… bref : je restais donc sur le parvis. Ça évitait en plus de me mettre les curetons à dos, ce qui est toujours mieux parce qu’ils te filent volontiers à bequeter pour peu que tu sois poli, alors ça servait à rien de leur polluer l’intérieur.

 Bizarrement, c’est aux heures de messes que je faisais le moins de chiffre. On croit que le dévot va forcément avoir l’aumône généreuse, mais elle est surtout symbolique. C’est le geste qui compte. Alors que le touriste, il est content, il a le temps, il a le budget de son séjour en liquide dans sa sacoche sous son pull, alors pour peu que ta tête lui revienne, vu que tu fais un peu partie des curiosités, du folklore local, il peut avoir des élans de générosité soudains et notables. L’euro a un peu sapé le marché, il y a de moins en moins de charité démesurée par erreur de conversion, mais on survit, on survit…

Le seul vrai problème, finalement, c’est de devoir me battre presque tous les jours pour le garder, mon coin. Enfin… Disons le seul vrai problème qui reste, abstraction faite de tous les autres, quoi. Evidemment, dans l’idéal, j’aurais pas eu ce problème de santé, cette dépression, ce divorce, ce licenciement, ces… bref. C’est vraiment un bon coin.

 

 

 

 

Ecrit pour les Impromptus littéraires avec l’incipit « Chaque matin, vers dix heures, je me levais… » et les mots  « dans la cathédrale » à placer dans le texte.

 

 

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14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 23:28

 

C’est sûr que j’ai pas toujours été comme ça. Faudrait être foutrement con pour penser un instant que c’est un choix de vie ! Je dis pas que j’y suis pour rien, hein, j’ai forcément loupé des trucs, mais la vie, des fois, ça te fait pas de cadeaux.

Gamine, j’étais plutôt pas laide, alors j’ai vite trouvé à me marier et ça arrangeait bien les vieux de plus avoir à me nourrir. C’est le Mimile, qui bossait à l’usine avec le père, qui m’a mariée. Comme il me tripotait déjà depuis une paie à chaque fois que le père le ramenait à la maison, ça m’a pas beaucoup changée, sauf que je prenais plus une torgnole du vieux à chaque fois que je pleurais à cause des grosses paluches de vicelard de son copain.

Il picolait déjà beaucoup à l’époque, Mimile, et il me cognait souvent, alors pour mieux supporter je me suis mise à boire aussi. Du coup, il me fallait de l’argent qu’il me donnait pas avec la misère qu’il ramenait de l’usine, et comme il voulait pas que je travaille j’ai commencé à faire des pipes près des fortifs de la Porte Clichy. Mimile il disait que sa paie passait dans le loyer, sauf que moi, toutes les semaines, j’étais obligée de me faire sauter à l’œil par le proprio qui disait que sinon il nous foutrait dehors parce que Mimile payait pas, alors je crois surtout qu’il picolait au-dessus de ses moyens.

Evidemment, de pipe en branlette, j’ai fini par devoir coucher avec les clients si je voulais pas les perdre, mais c’est que de ce temps-là, c’était pas comme aujourd’hui, hein… j’avais beau me nettoyer au détergent ou à la javel après chaque passe, j’ai pas pu éviter de me faire engrosser quelques fois. Je faisais pas trop confiance aux faiseuses d’ange, en plus elles se mouchaient pas du pied, alors ceux que j’ai pas réussi à faire passer toute seule, ou avec l’aide des coups dans le bide que me filait Mimile, je les ai déposés devant des églises.

Le Mimile il s’est jamais aperçu que j’étais enceinte ! Bon : c’est vrai que comme j’avais déjà drôlement grossi, ça se voyait pas forcément beaucoup – même moi une fois j’avais pas remarqué – mais c’est dire quand même dans quel état il était à la maison.

La vie a passé comme ça, puis un jour Mimile est mort. Cancer du poumon. J’aurais plutôt misé sur une cirrhose, moi. Comme quoi la vie vous réserve parfois des surprises. J’ai continué à vieillir, toute seule, mais c’était pas plus mal. Mon coin près des fortifs avait été transformé en espèce de parking, du coup ça allait pour les passes rapides, mais j’ai dû commencer à bosser plus du côté du pont. Et la vieille édentée obèse, c’est sûr qu’y avait une clientèle, mais c’était pas une manne pour autant. Faut dire en plus qu’y avait les mômes de l’Est, au carrefour, qu’avaient pas 15 ans, et que même les travelos du cimetière ils étaient plus sexys que moi.

Quand le proprio a plus eu le cœur à me sauter lui non plus, il m’a foutue dehors et maintenant je suis là. J’ai gardé mon bout de trottoir, mais j’y fais plus grand-chose à part insulter les passants et filer des coups de pied aux chiens.

Je sais même plus quel âge j’ai. J’ai l’âge de faire sous moi sans m’en rendre compte. C’est quand les rombières viennent même plus me jeter la pièce pour sauver leur âme en sortant de la messe que je sais que je pue plus que d’habitude. Alors vous savez où vous pouvez vous la carrer, votre dignité ? Et si vous voulez, pour pas cher, je peux vous y mettre un doigt, avec.

 

 

 

Ecrit pour les Impromptus littéraires sur le thème « une vieille dame indigne ».




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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 00:20

 

On y est. Presque. Quelques mètres encore. Cinquante, peut-être. La chaleur est écrasante. Je ne la sens pas vraiment. Pas plus que je ne sens la brûlure du sable sous mes pieds nus, écorchés de tout ce chemin parcouru trop vite. Quarante. Ma tête bourdonne. J’ai le souffle court. Trente. C’est finalement si facile ? Avancer. Ne pas hésiter, ne pas se retourner. Vingt. Je resserre un peu la pression de ma main sur la sienne. Ne pas la lâcher. Continuer. Dix mètres. J’entends son souffle, rapide, bruyant. Un hoquet. Un sanglot ? Ne pas se retourner. Neuf. Le muret, la barrière de fortune. On y est. C’est donc vraiment si facile. Huit. Sa main qui tire un peu la mienne. Sept. Sa petite main qui glisse de la mienne. Six. Sa toute petite main qui n’est plus dans la mienne. Cinq. Ne pas se retourner. Quatre. Je me retourne. Trois. Elle est à terre. Deux. Une seule balle pour sa toute petite vie. Un. On y était. C’était presque si fa…

 

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 © crédit photo : Pandora


Ecrit pour les Impromptus littéraires : « écriture sur image ».

 


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