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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 22:13

 

Ça faisait une paie que j’avais plus eu l’occasion de vraiment m’intéresser à une enquête en dehors du bourbier dans lequel je m’étais enlisé gratos pour les beaux yeux de ma Lulu(1). Une sordide histoire de meurtre avec mari volage, pute au grand cœur, mère maquerelle peu scrupuleuse, veuve enceinte pas vraiment terrassée par le chagrin et gros industriel véreux aux méthodes mafieuses ou assimilées(2). Tout ce petit monde avait été mon monde jusqu’à l’écœurement, mais j’ai finalement croisé la veuve avec son gosse et les choses se sont assez vite démêlées : le gamin était aussi noir que feu son père supposé était blanc. Du coup la jeune veuve commençait à avoir un bon profil de suspect. Au moins autant que son exotique prof de fitness. Même le fric du paternel véreux de la jolie maman a pas suffi à lui sauver les miches. Affaire réglée. J’allais pouvoir reprendre les choses sérieuses, comme mes beuveries chez Gégé qu’avaient drôlement pâti de cette foutue histoire et puis surtout des clients payants, parce qu’avec tout ça j’étais plus très en fonds.

J’hésitais entre aller au bureau avant ou après m’en être jeté un ou deux chez Gégé quand le gonze m’est littéralement tombé dessus, balancé d’une bagnole qu’a filé trop vite pour que j’aie même le temps de penser à relever le numéro. Au premier coup d’œil, j’ai eu l’impression que le nez du type avait pour ainsi dire explosé dans sa chute, même si je l’avais sacrément amortie. En y regardant de plus près, j’ai reconnu Norbert, un des poivrots de chez Gégé. Et son nez était juste comme d’habitude, gros et couperosé grâce aux bons soins de Gégé, qui l’arrosait sans mégoter depuis un bon paquet d’années. A tel point que le voir sur ce trottoir et pas accoudé au comptoir me laissait comme deux ronds de flan. Il a craché un truc qu’il avait dans la bouche et a gueulé :

-          Où qu’il est Gégé ?

Ouais, c’était bien Norbert, pas de doute… J’ai ramassé ce qu’il avait craché, une lettre froissée en boule avec écrit « à fleur de mots » sur l’enveloppe. Le Norbert avait déjà repris ses esprits et entrait chez Gégé, titubant à cause de sa chute. Il ressortirait à pas d’heure, requinqué mais toujours titubant, sans l’ombre d’un doute. Du coup j’ai coupé court à mes hésitations et j’ai filé aussi chez Gégé. Pas que les déboires du Norbert m’intéressaient vraiment, mais un gars que j’avais jamais vu décoller ses fesses du bar, se faire balancer comme ça d’une bagnole… et puis cette lettre étrange… déformation professionnelle oblige, fallait que j’creuse. Et que j’boive un coup.  Le temps que j’arrive le Norbert était déjà avachi dans sa position habituelle au bout du bar et Gégé était déjà en train de le resservir. J’ai salué Gégé et les autres alcoolos et je suis allé m’installer près du Norbert :

-          Alors Norbert, qu’est-ce qui t’es arrivé ?

Il a tourné son visage vers moi, j’ai cru qu’il allait me répondre mais il a juste roté. Il avait les yeux dans le vague et paraissait déjà loin.

-          Y a un souci ?

-          Non, Gégé… c’est juste que le Norbert s’est fait balancer d’une bagnole direct sur mézigue et j’aimerais bien savoir c’qui s’est passé.

-          T’as recommencé à faire chier ta femme, Norbert ?

-          Arrête tes conneries Gégé, il est pas marié !

-          Ben si qu’chuis marié, y croit quoi l’jeunot ? Que passqu’il est détective de mon cul y sait tout sur tout l’monde ?

A peine finie sa phrase le Norbert a replongé son nez dans son verre. J’ai regardé Gégé avec suffisamment d’incompréhension dans les yeux pour qu’il explique sans que j’aie à demander.

-          Ouais, pour être exact, il est plus vraiment marié, mais il l’a été. Elle l’avait déjà quitté quand il a commencé à venir ici, alors ça date pas d’hier, quoi…

-          Et de temps en temps elle le balance de sa bagnole à toute berzingue ?

-          Nan, c’est pas ça. Enfin si, en quelque sorte… Ça lui prend de loin en loin de vouloir la faire chanter…

-          Rien que ça ?

-          Hé hé… ouais, il est con ce Norbert !

-          Et il la fait chanter avec quoi ?

-          Ben en fait il menace de tuer le chien si elle revient pas.

-          Il a un chien ?

-          Non, son chien à elle. Mais le clébard est mort y a des années…

-          C’est elle qui te l’a dit ?

-          Non, lui, mais il s’en souvient jamais. Alors de loin en loin… il est con ce Norbert !

-         

-          Ah… sacré Norbert.

-          Mais c’est quoi ça ?

-          Fais voir… Ah ! Le con… C’est le nom de sa femme.

-          Quoi donc ?

-          Ben « Fleur », elle s’appelle Fleur… il a jamais su son nom de famille et encore moins son adresse depuis qu’elle s’est remariée. Il sait juste qu’elle habite à Meaux.

-          à Meaux ? Et il adresse ses menaces « à Fleur de Meaux »… ?

-          Hé hé… j’t’ai dit, il est con ce Norbert !

-          Mais t’as vu comment il a écrit Meaux ?

-          Ouais ben regarde-le : tu trouves qu’il a l’air d’une lumière ?

-         

-          J’t’en remets un ?

J’étais pas exactement tombé sur l’affaire du siècle. C’qui empêchait pas d’l’arroser, vu comme elle avait été vite et bien résolue, mais l’allait vite falloir que j’trouve un client sérieux si je voulais pouvoir régler mon ardoise à Gégé.

 

 

 

Variation autour du thème des Impromptus littéraires « A fleur de mots ».

 

 



Et pour ceux qui sont trop fans de moi, mais pas depuis assez longtemps pour connaître John MacDermott, voilà de quoi combler cette lacune (et vous permettre de tuer un peu de temps, par exemple en cas d’ennui au bureau ou d’insomnie) :

 


(1) La naissance de MacDermott et consorts :  Lulu

(2) Histoire (inachevée et décousue…) en plusieurs épisodes, nés au fil des ateliers d'écriture :

1 - Le dilemme de Madame Suzanne 

2 - La lettre de Fanfan

3 - John MacDermott n’est pas le mauvais bougre

4 - John MacDermott flaire l'embrouille

 

Et si vous aimez les jolies histoires de Noël :

 
John Mac Dermott sauve Noël    et   Le Noël de Lulu



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commentaires

T
<br /> comment ça "...le moins bon" !?<br /> c'est malin, va me falloir reprendre tous les précédents ;) !!<br /> <br /> sinon, c'est marrant comme tu dois aimer les plats d'pauvres, toi : ...réchauffé, mijoté, c'est meilleur, hein.<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> ça c'est de l'argument marketing, hein ?<br /> <br /> mon coté pop', ouais... ;o)<br /> <br /> <br />
C
<br /> Yes ! ça Dermott ici ! :o)<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> oui, hein ?<br /> ;o)<br /> <br /> <br />
S
<br /> pfiouu, excellent et pile poil dans la droite lignée de ce que j'aime lire. Bon ben du coup c'est pas la peine de publier d'autres trucs pour l'instant, faut déjà que j'aille rattraper mon retard<br /> de McDermotts<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> Ah ouais puis t'as de quoi faire, là... c'est que des textes longs !<br /> (et celui-ci est à mon avis un des moins bons ;o)<br /> <br /> <br />
M
<br /> Une chouette histoire où l'on se paie de mots, Ha Ha!<br /> Bon sinon moi je suis fan de vous Miss Poune et je vais prendre le temps d'aller enquêter sur ce fameux Mac Dermott histoire de voir si ces papiers sont en règles. Allez, salut la compagnie et à la<br /> revoyure.<br /> <br /> Avec la matitude des matins brumeux, la porte du bistrot claqua derrière Max, le contrôleur général des papiers en règles. JJ avait laissé tomber ses clés et le chien de Patrick s'acharnait<br /> maintenant à lui détruire le petit taureau porte-clés qu'il nous avait ramené de Barcelone. Sûr que ça augurait d'une sale journée si cette Miss Poune se trouvait prise en défaut dans les griffes<br /> de ce sale type à l'haleine fétide et brutale. En attendant la bagarre, j'avançais le menton en direction du patron pour lui demander de me remettre un deuxième cognac. Il était huit heures trente<br /> et j'étais en retard. D'habitude à cette heure j'en avais déjà descendu trois.<br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> Max a fait au mieux pour rattraper son retard et c'est en zig zag qu'il s'est rendu vomir aux toilettes, en enjambant chien, taureau et barcelonais en chemin. Quand il s'est heurté à un<br /> mur en forme de Patrick très bien imité, il s'est rendu compte qu'il était en train de pisser derrière le bar. JJ s'est chargé de le foutre dehors, tandis que le clébard essayait de lui bouffer le<br /> mollet droit. Ou la couille gauche. A ce moment là ses idées n'étaient plus tout à fait assez claires pour être sûr. Une chance que Miss Poune ait reconnu en lui SON fan, sans quoi elle l'eut<br /> probablement laissé se vomir dessus vautré dans le caniveau.<br /> <br /> <br />

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  • Je suis au-dessus de tout soupçon.
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