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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 21:38

 

Le type me matait depuis un moment… impossible de boire un coup tranquille sans se faire emmerder, quand t’es une femme seule.

Y a bien Rachid, le patron, qui sait que je veux qu’on m’foute la paix et qui fait au mieux pour faire le vide autour de moi, mais il a pas qu’ça à faire non plus, hein… J’aime bien venir ici. Peu d’habitués à part moi, une clientèle anonyme, ni trop huppée ni trop zone, un patron sympa et bienveillant et surtout, surtout, pas un flic dans le secteur. Viennent jamais là. C’est que ça a ses habitudes, la flicaille… ça se torche entre collègues et ça choisit soigneusement ses lieux de perdition. Moi ici, je suis peinarde. Je me torche même pas vraiment, je bois juste de quoi faire passer la journée. Et même pas tous les jours. Pas souvent en fait. J’ai des lendemains trop difficiles pour devenir alcoolique… Quoiqu’il paraît que rien ne vaut l’alcool pour faire passer une gueule de bois. Mais même dans mes mauvais jours je sais que ça sent le cercle vicieux… eh, quand même, pas si con, hein ?

 

N’empêche : les rares fois où je viens picoler y a toujours un mec pour m’emmerder… alors que planquée comme je suis à l’angle du bar, dans l’ombre, à moitié répandue sur le zinc et mal fagotée, je vois pas comment qui que ce soit peut imaginer une seconde que je cherche de la compagnie !

Les hommes… pas deux sous de jugeote avec les femmes… en même temps, moi, j’dis rien, je suis un désastre amoureux ambulant. Jamais été foutue d’m’enticher d’un gars qui soit pas psychopathe, hystérique ou au moins un peu dépressif. Faut dire aussi, mon truc, moi, c’est le genre mauvais garçon. Ou artiste. Ou les deux. Alors forcément y a pas d’mystère, hein, je m’étonne qu’à moitié du sort de mes histoires d’amour… Histoires… un bien grand mot pour si peu de chose.

 

Le dernier, il m’a même pas quittée, il m’a juste abandonnée sur un quai de gare, comme on largue ses vieux ou ses chiens sur les aires d’autoroute. Pas un adieu, pas un mot d’explication, rien. Comme une vieille merde collée à sa grolle.

J’ai un problème avec l’abandon. Personne veut y croire, mais on r’trouve encore souvent des mômes déposés sur le seuil des églises… qui peut penser encore qu’un curé ou une bonne sœur s’occupera du gosse ? C’est dans les vieux films, ça. Aujourd’hui, si tu veux pas d’ton môme, on t’facilite drôlement les choses – et à lui surtout : y a qu’à accoucher sous X… Et je sais d’quoi j’parle, je suis née sous X. Nom ? X. Prénom ? Va savoir… Madame X mère n’a pas souhaité me nommer. Et mon « père inconnu » l’est toujours. De moi, en tout cas. Mais j’m’en fous. J’ai jamais cherché à savoir.

 

Marie Hyckz, c’est moi qu’ai choisi. Au début je voulais « Marrie » mais ça faisait rire que moi. Et puis je préférais Hyckß, histoire que mon nom soit au moins aussi bâtard que moi, mais c’était des coups à être emmerdée avec le « ß », alors j’ai mis un « z »…

Bon… y a l’gars qui commence à m’faire de l’œil… Oh le gros lourd, p’tain… d’où il sort pour croire qu’on drague encore comme ça, çui-là ? T’façon j’ai d’l’entraînement, je fais super bien semblant de pas remarquer les mecs qui m’lorgnent. Et mon verre est plein, peut même pas m’en offrir un. Les rencontres de fin d’beuverie, merci bien. Un coup sur deux le type est incapable de bander, il s’endort comme une merde à peine couché, il empuantit la pièce de son haleine alcoolisée et au matin, il sait même pas c’qu’il fout là ni qui t’es… il te vide la moitié du gel douche pour essayer de chasser les odeurs suspectes et il rentre la queue toujours basse chez sa femme.

Allez, à ta santé ducon !

 

-          Rachid, tu m’en r’mets un steuplé ?

-          T’as même pas fini l’autre…

-          Ouais ben justement, faut qu’j’enchaîne !... Merci Rachid.

-          Quelqu’un qui t’importune, fliquette ?

-          Pas encore, mais j’me méfie.

-          Tu m’dis si t’as besoin, hein ?

-          Sûr !

 

Je l’aime bien Rachid. Il est gentil. Un vrai gentil. Il juge pas. Il calcule pas. Bon… j’le connais pas super bien non plus, hein, puis la plupart du temps j’suis éméchée quand on s’parle, mais j’le trouve quand même gentil… Ah, v’là l’autre. Merde.

 

-          Bonsoir Mademoiselle, je peux ?

-          Je préfère pas, non.

-          Ah ah… allez, on peut discuter un moment, non ? Faire connaissance…

-          Et ben non. Des connaissances j’en ai d’jà plein et j’suis pas du genre causante.

-          Pas grave ! Je vais faire la conversation, moi…

-          Casse-toi !

-          Oh, c’est pas la peine d’être agressive, hein… moi je viens là gentiment pour papoter et…

-          Casse-toi ! Si t’étais moins lourd je s’rais moins agressive, mais j’m’adapte !

-          Oh la la, on a ses ragnagnas peut-être ?

 

Ça c’est l’genre de trucs qui m’foutent hors de moi. D’habitude j’ai plutôt l’vin gai, mais faut pas trop m’emmerder non plus… J’ai sorti mon flingue, et je l’ai collé au milieu du front de mon dragueur de pacotille…

 

-          Je t’ai dit d’te casser, pauv’type, y a un truc que tu comprends pas ? Faut qu’j’explique mieux ?

 

J’ai entendu des cris et de la bousculade dans mon dos. Le gars était paralysé. Ça lui avait coupé l’envie d’causer. J’ai senti l’odeur aigre de la pisse… il venait de se faire dessus. Dans le vacarme ambiant, j’ai entendu la voix de Rachid, derrière moi.

 

-          Eh ! Fliquette, ça va aller… Laisse, je vais m’en occuper.

 

Si, quand même, il est gentil, Rachid. J’avais mon flingue toujours collé au front du type. La main de Rachid s’est posée sur mon bras, j’ai baissé mon arme… Le mec a commencé à rougir de colère, il avait l’air sur le point de me sauter dessus, mais Rachid l’a calmé. J’ai rangé mon arme, fini mon verre. Rachid est venu vers moi. Y avait plus personne.

 

-          Il faut pas faire des trucs comme ça, fliquette. Tu imagines si le type il veut porter plainte ?

-          Le f’ra pas.

-          Et pourquoi ça, hein ?

-          Il s’est pissé d’ssus. L’ira pas s’vanter.

-          Et si le prochain tu lui fais pas peur ? Et si il sort un couteau ? Hein ? Tu fais quoi ? Tu l’abats comme un chien ?

-          Naaan ! J’l’arrête. Hé hé…

-          Je rigole pas fliquette. Faut pas faire des trucs comme ça. Pas ici en plus. Les clients ils reviendront jamais, là.

-          T’façon à part moi y a jamais personne qui r’vient, dans ton rade, Rachid…

-          C’est pas gentil c’que tu m’dis là, fliquette. C’est pas gentil.

 

Il avait l’air vraiment chagrin. J’m’en voulais du coup. Surtout qu’évidemment il avait raison sur toute la ligne.

 

-          Et puis j’te parle des clients de ce soir, qui sont tous partis sans payer.

-          Ah merde… excuse-moi Rachid. Je vais payer, moi.

-          C’est pas pour ça que j’dis ça.

-          Je l’sais, va ! Mais j’paierai quand même. J’te d’mande pardon, Rachid, hein ? Puis j’vais rentrer, là, j’crois qu’j’ai b’soin d’dormir. T’as b’soin d’aide pour ranger l’boxon ?

-          Ça va, ça va. Va te coucher. Et reviens me voir si l’autre il te fait des ennuis, d’accord ? Moi je dirai qu’il t’a agressée si tu veux.

-          Faux témoignage… en plus j’suis sûr que t’as pas d’papiers…

-          Allez, arrête tes conneries. Va dormir.

-          Bonne nuit Rachid.

-          Bonne nuit fliquette.

 

 

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commentaires

M
<br /> Moi, je lui collerai une balle. Je déteste ça, les "Patrick's"<br /> <br /> <br />
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P
<br /> ah ouais, mais bon, elle est flic, quoi... et comme elle doit avoir une autre vie après cette cuite, je pouvais pas l'envoyer en taule si vite ;o)<br /> <br /> <br />
B
<br /> Le film avec Balasko je pense que c'est "Cette femme-là", de Guillaume Nicloux<br /> <br /> <br />
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P
<br /> merci Madame cinéma ;o) (pas vu)<br /> <br /> <br />
J
<br /> Eh ben, oui... je l'avais raté celui-là, et c'est bien dommage : il est très bon ! Le personnage demanderait une suite, tiens.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> ah ben ça tombe bien, dis : si je m'en sors, elle devrait même avoir un début et une fin, cette fliquette.<br /> <br /> <br />
P
<br /> Grandiose. J'aime. Me fait penser à un film avec Balasko, ché plus quoi...<br /> <br /> <br />
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P
<br /> chépaquoi non plus, mais merci quand même ! <br /> <br /> <br />
T
<br /> Pas lu Malet ? allez, au moins deux lignes...<br /> (clique on zeu pseudo)<br /> <br /> <br />
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P
<br /> abenvi, tiens... ;o)<br /> <br /> <br />

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