Ceux qui me connaissent le savent – et j’aime penser que ceux qui ne me connaissent pas s’en doutent – je ne suis pas exactement du genre à me faire gonfler les seins ou quoi que ce soit d’autre au silicone. D’ailleurs, pour dire le vrai, en ce moment j’ai plus besoin de me faire dégonfler que gonfler, mais là n’est pas le propos et le choix du titre, je le confesse, est totalement et volontairement racoleur. Pour bien faire, il faut lire « ce que le silicone me gonfle point d’exclamation » et là, on s’attend déjà un peu moins à une énumération, voire des photos de mes seins gonflés à bloc. Mais je me dis qu’après tout, si la seule absence de ce point d’exclamation peut faire venir du monde jusqu’ici, même par erreur…

C’est pas que je tienne à tout prix à attirer les amoureux de gros seins siliconés, mais il se trouve que mon lectorat s’est sérieusement délité avec les chaleurs estivales et, si ça continue, je vais mettre la clé sous la porte, alors après tout, les mateurs de gros nibards, pourquoi pas.

Et si ça ne suffit pas, la prochaine fois je mettrai une photo de mes seins. Non siliconés, donc.

Mais je m’égare. Tout cela n’était qu’une vile manœuvre pour parler bricolage. Petit bricolage s’entend : je ne suis qu’une femme, pas Bob le bricoleur, hein…

Ainsi donc, j’ai pris la grande décision de refaire les joints autour de ma baignoire. Bon : je vous parle de ça, c’était il y a très longtemps… J’ai laissé murir l’idée, j’ai même déménagé, rendant la décision caduque, et finalement il s’est avéré qu’ici ou ailleurs les joints des baignoires deviennent immanquablement noirs dégueu et il faut les refaire. Force est de constater également qu’y penser et en parler n’y change rien, alors un beau jour j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis aventurée dans un de ces temples du machisme où les hommes vous regardent, au mieux, comme une fille perdue, au pire (et le plus souvent) comme une dinde. Je n’ai pas fait semblant du tout de m’y connaître vu que je n’avais pas plus de dignité que de temps à perdre et j’ai alpagué le premier vendeur à ma portée. Je lui ai bien spécifié qu’il me fallait quelque chose de pratique pour que ce soit facile à faire et inratable même par moi, et il m’a fourgué le truc pour enlever le vieux joint, le tube à faire le nouveau joint et le truc pour lisser après.

J’ai reposé le truc pour enlever le vieux joint parce que franchement, on ne me fera pas croire qu’on ne peut pas enlever ces vieux bouts de plastique pourris avec un quelconque ustensile de cuisine, et j’ai pris le reste.

Et ben c’est pas pour me vanter, mais je m’en suis bien tirée. Je ne dirais pas qu’on pourrait croire que j’ai fait plombière tout ma vie, mais le résultat était quand même bluffant. J’y avais passé un temps fou et je m’en étais foutu partout, mais bon : ça valait le coup.

Un copain – un de ceux à qui j’avais dû parler cent fois de mes joints à refaire et qui n’avait jamais émis l’idée de s’en occuper – est arrivé alors que je m’échinais à faire partir une tache de ce foutu silicone sur mon pantalon neuf. Il s’est marré (ce con) et m’a dit avec cette condescendance propre aux hommes qui savent qu’il faut être muni d’une paire de couilles pour toucher quoi que ce soit en provenance d’un rayon bricolage – sauf une ampoule et ça ils n’omettent jamais de te le rappeler en ne la changeant en aucun cas en moins de six mois – il m’a dit, donc, qu’il voudrait bien voir le résultat, ha ha ha. Fière comme j’étais de mon œuvre malgré la tache sur mon pantalon neuf, je l’ai emmené à la salle de bain, sûre de lui clouer le bec. Il a observé en pinçant le nez et en plissant les yeux pour se faire passer pour un connaisseur et a fini par conclure d’un « mouais » son inspection, avant d’ajouter :

« Ah ah ah ! vous, les femmes, le silicone c’est quand même bien toujours en vous faisant faire des implants que vous en faites le meilleur usage ! »

Je ne sais pas si c’est le mépris affiché pour mon travail ou l’allusion à une éventuelle insuffisance mammaire totalement incongrue qui m’a le plus excédée, mais j’ai eu violemment envie de lui carrer ma pompe à silicone dans le cul – ce qui aurait eu le mérite de lui en boucher un coin. Au lieu de ça, et pour ne pas risquer de tacher aussi mon tee-shirt, je l’ai enlevé pour fourrer ma poitrine, bien assez généreuse sans qu’il soit besoin de la rembourrer, sous son nez de macho prétentiard. J’ai pris ses mains pour les coller à mes seins en lui demandant, bravache, s’il osait encore prétendre que j’avais mieux à faire que mes joints de baignoire avec du silicone. Il n’osait pas. En revanche, il a osé tout un tas d’autres choses et, pour finir, on a utilisé beaucoup plus de latex que de silicone.