Certains m’ont fait la remarque – et d’autres l’ont peut-être formulée dans leur tête sans oser me le dire – que je semble entretenir avec la courgette un rapport… particulier.
Et je dois bien convenir que certains de mes écrits peuvent effectivement semer le germe du doute, à défaut de la graine de cucurbitacée, dans les esprits. Je pense qu’il est donc temps d’éclaircir cette zone d’ombre qui ternit probablement l’image candide et primesautière que vous avez de moi.
Ainsi, à l’occasion, il m’est arrivé de faire allusion plus ou moins ouvertement à un usage tout à fait inconvenant et ô combien condamnable de la courgette comme sex toy. Certes, je n’ai usé de cette grivoiserie maraîchère que dans le but de vanter les mérites du pistolet à silicone, d’une bonne soirée dans une boîte de jazz ou d’un vibromasseur à piles (4 LR6 non fournies), mais je dois bien avouer quand même que pour les amateurs de ratatouille autant que pour les aficionados du « 5 fruits et légumes par jour » qui n’ont pas nécessairement fait la part des choses et ont essayé de se servir des cinq en… bref : je dois avouer que ce n’était peut-être pas de très bon goût. Sans que cela ait un quelconque rapport avec le goût de la courgette qui elle, comme chacun le sait, n’en a pas.
N’allez pas imaginer que je cherche à m’inventer quelque excuse que ce soit pour ce que les plus pète-sec d’entre vous pourraient qualifier de débordements. Non. Je ne souhaite que vous livrer quelques clés qui peut-être vous aideront à comprendre qui, au fond, de l’homme ou de la courgette, a le plus influencé ma vie en général et ma sexualité en particulier.
Non, j’déconne. Je n’ai pas de sexualité.
Bref.
La courgette et moi, ça remonte à loin… Autant que je le confesse tout de suite, j’étais une enfant extrêmement ordinaire et, en tant que telle, je n’aimais pas plus la courgette que quoi que ce soit d’autre de vert qui se mange. A part peut-être les nouilles vertes et encore : avec méfiance. Ceci étant posé, il faut que je vous parle de mon grand-père.
Mon grand-père, que nous appellerons Papy pour préserver son anonymat, a vécu dans les montagnes. Pas les très très hautes montagnes où on se les pèle du 15 août au 15 juillet voire plus, mais des montagnes quand même, où les hivers sont rudes et les étés courts. Sans compter que la montagne, c’est comme un genre de campagne, mais plus haut. En plus de ça, Papy, il a fait la guerre. Tout ceci est sans rapport avec ce qui va suivre, mais permet peut-être d’éclaircir certains mystères dont on verra qu’ils ne sont pas sans conséquence sur la question qui nous intéresse ici. Ou pas.
Papy, donc, avait un jardin dans lequel il aimait à faire pousser des légumes. Et Papy avait un principe et un seul concernant la culture légumière : tant qu’ça pousse, faut laisser pousser. C’est ainsi que Papy cultivait des légumes mutants. Ses haricots devenaient tellement gros qu’à la fin les grains faisaient des petits pois de la taille d’une bonne tomate. Pour une raison qui relève à mon avis d’une logique propre à cette génération, ou peut-être seulement à Papy, je ne sais pas, mais qui veut qu’on soit là pour en chier, il ne faisait pas pousser de pommes de terre géantes avec lesquelles on aurait pu faire les plus grandes frites du monde, mais, à côté des haricots « deux en un », des courgettes.
Ainsi donc, mon premier contact avec une courgette en milieu naturel s’est fait avec une courgette de Papy. En sa présence, certes, mais ce n’était pas nécessairement pour me rassurer. Imaginez Papy – prenez le vôtre si vous n’arrivez pas à imaginer le mien – imaginez un papy, donc, bourru comme un papy des montagnes qu’a fait la guerre, vous déclarant « ça c’est c’que j’appelle une courgette » face à une espèce de masse verdâtre que vous ne suffiriez pas à farcir s’il prenait à Papy l’idée de vous cuisiner… Une courgette qui serait la solution à la faim dans le monde si elle n’était pas qu’eau et grains. Une courgette à faire pleurer de peur les hardeuses et de honte les hardeurs.
Voilà.
Je pense que tout est dit.
Vous comprenez peut-être un peu mieux maintenant pourquoi la courgette et pas l’aubergine ou le concombre.
Une autre fois, peut-être, on parlera de sexe.