Déposition de : Liliane Dorval dite « Lilibelle »

Recueillie par : commissaire M. Hyckz

Date : 28/02/2004 – début enregistrement : 05h25

-          Bon, qu’est-ce que tu peux me dire ?

-          Crever d’une overdose ou la gorge tranchée dans une poubelle, c’est toujours mieux qu’à petit feu d’une saloperie de maladie qu’nous a r’filée un miché.

-          Bel optimisme…

-          Vas-y, dis-moi que j’ai un avenir doré qui m’attend ! Fais-moi ta leçon, donne-toi bonne conscience et après tu m’lâches…

-          Bien sûr que non t’as pas d’avenir. Avec le nombre de tes copines que je ramasse clamsées dans des cloaques puants, je vais pas te dire le contraire. On la connait toutes les deux, l’histoire.

-          Sympa… si c’est comme ça qu’tu crois m’amadouer.

-          Je cherche pas à t’amadouer, je cherche à te faire parler.

-          …

-          A la couleur de tes bras, t’es plutôt bien partie pour l’overdose, toi, hein ?

-          Qu’est-ce ça peut t’foutre ?

-          Rien. Mais avec les collègues, on fait des paris…

-          Des paris ?

-          Ouais. Sur les filles qu’on connait à force de les serrer, comme toi quoi…

-          Vous pariez sur quoi ?

-          Comment on va vous retrouver.

-          Hein ?

-          Ouais : laquelle se sera fait un shoot de trop, laquelle aura été défigurée et lacérée par un client psychopathe, laquelle aura été étranglée par son mac…

-          Mais c’est dégueulasse !

-          Oh… les putes, tu sais… c’est pas comme si elles avaient une dignité à perdre…

-          Espèce de garce !

-          Non… c’est un petit jeu innocent. Faut bien qu’on se détende un peu. On n’a pas un métier facile, tu sais. Et puis moi, au moins, je triche pas.

-          …

-          Ouais, y en a, tu l’croiras pas : ils vont raconter aux macs que leurs filles les ont balancés juste pour gagner leur pari !

-          Tu déconnes ?

-          Tu trouves ça drôle ?

-          …

-          …

-          Et tu fais rien pour empêcher ça ?

-          Pourquoi j’le ferais ?

-          Ben parce que t’es flic, merde !

-          Ah, ça… ouais… Ben justement, mon boulot, là, c’est de trouver le type qu’a découpé ta collègue, pas de protéger ton p’tit cul. Alors tout ce que je te demande, c’est le nom de son mac. Et après je verrai c’que j’peux faire pour toi.

-          Va t’faire foutre, salope.

-          Ouais… mais j’ai encore un moment avant mon rancard… alors, ce mac ?

-          Putain mais j’la connaissais même pas la môme ! Je suis même pas sûre qu’elle avait un mac. Et p’t’êt’ bien qu’c’est pour ça qu’elle est canée.

-          Ah ben voilà, on avance. Elle avait un nom ?

-          Ah ça, sûrement. Quelque chose comme Roxy, Sandy ou Cynthia.

-          OK… ça fait longtemps qu’elle tapinait dans le coin ?

-          Eh ! Je suis pas chaperon au bal des débutantes, moi !

-          Allez, arrête ton char… y a pas pires concierges que les putes pour tout c’qui s’passe sur l’trottoir. Jamais t’aurais pu louper l’arrivée d’une nouvelle dans ton secteur.

-          A peine quelques jours. Elle a débarqué un soir, fraîche comme une rose. Elle avait l’air d’une gosse. Du coup elle nous a piqué pas mal de clientèle.

-          Ça a pas dû plaire à tout le monde, ça, hm ?

-          Ben non…

-          Les autres filles ?

-          Ben ouais, un peu furibardes, sûr… Eh ! mais attention ! Pas le genre des filles de faire un truc pareil, hein ?

-          Les macs ?

-          Ben les autres j’peux pas dire, mais le mien, ouais, il l’avait mauvaise. J’imagine qu’ils étaient tous un peu fumasses.

-          Les noms ?

-          Des macs ?

-          Non, de ton chien.

-          J’veux balancer personne, moi, j’tiens pas à finir comme la môme !

-          Tu tiens trop à ton overdose ?

-          C’est bon, arrête quoi ! Putain, t’es pire que les mecs qui m’cuisinent d’habitude !

-          Peut-être parce que moi je n’espère pas pouvoir te sauter à l’œil un de ces jours.