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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 01:13


Je n’aurais jamais pensé que ça puisse être aussi facile.

C’est vrai aussi que je ne m’étais jamais vraiment posé la question. Pas sérieusement, du moins. Mais je suis sûre que si je me l’étais posée j’aurais imaginé la chose très différemment. Faut dire que là, ça s’est fait comme ça, sans réfléchir, presque malgré moi. Je ne sais pas trop pourquoi, d’ailleurs, mais il sera bien temps d’y réfléchir plus tard. Pour l’heure, j’ai mieux à faire et j’ai besoin d’avoir les idées claires pour ne rien négliger.

D’abord, essuyer tous les endroits où j’ai pu poser les mains et laisser des empreintes. Et puis, je ne sais pas si ce qu’on voit dans les séries américaines est vrai, mais dans le doute il vaut mieux que je trouve un aspirateur et que je le passe jusque dans les moindres recoins pour qu’il ne reste ni un cheveu ni un poil de mon passage ici. Pour finir, récupérer la capote et essuyer soigneusement le manche du couteau.

 

Ses yeux sont restés ouverts. Il a l’air étonné. On le serait à moins. J’ai été obligée de bouger un peu le couteau en l’essuyant, on va croire que c’était par cruauté je suis sûre… Je lui fermerais bien les yeux, mais j’ai vu une fois dans un film qu’ils arrivaient à relever des empreintes sur la peau de la victime, alors je ne vais pas tenter le diable plus que nécessaire. Mais il n’est pas à son avantage, avec cette drôle d’expression sur le visage. J’espère que ce n’est pas sa femme qui le trouvera. Ni un de ses enfants. S’il ne m’a pas trop menti et vu la chaleur qu’il fait ces jours, il sera découvert bien avant leur retour : l’odeur devrait être assez vite insupportable.

 

Je crois que je n’ai rien oublié. Maintenant une douche, me débarrasser de son sang et de son odeur – ne pas oublier de nettoyer la bonde – me rhabiller et filer.

On n’a croisé personne en arrivant cette nuit. Il est encore tôt pour croiser du monde un dimanche matin. Je vais faire profil bas quand même, mais les gens ne font tellement pas attention aux autres… Au pire un voisin ou un promeneur de chien se souviendra bien avoir croisé quelqu’un ce jour-là, oui, ou peut-être la veille, à moins que ce ne fût le lendemain… mais c’était une femme, oui, sûr. Ou un homme de petite taille. Ou une adolescente, il faisait encore un peu sombre.

 

Je me sens étonnamment apaisée.

Moi d’ordinaire si encline à l’énervement, à la colère, à l’excitation, aux débordements émotionnels de toutes sortes, je me sens exceptionnellement calme. En paix. Une sensation totalement inédite pour moi. Ce pauvre type ne méritait peut-être pas ça, mais moi oui.

Bien sûr qu’il ne m’avait pas fait de mal. Pas encore. Mais ce serait arrivé tôt ou tard. Ça finit toujours par arriver. Alors oui, moi, je méritais pour une fois de ne pas souffrir.

 

Je ne sais pas s’il a dit ou fait quelque chose pour provoquer ça. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a eu cet instant précis où j’ai su ce que je devais faire et je l’ai fait sans le moindre doute ou la moindre hésitation. C’est tout. Je ne tiens pas à me perdre en analyses et réflexions inutiles. Ce geste m’a donné la paix. C’est tout ce que j’ai besoin de savoir.

 

***

 

-  Salut, ça va ?

-  Bien et toi ?

-  Bien bien… bon week-end ?

-  Tranquille. Et toi ?

-  Ouais, cool. Bonne journée !

-  Toi aussi, à plus !

 

Mes collègues. Tout est toujours très « cool », « tranquille », au pire « comme un lundi »… Ce n’est pas désagréable, dans le fond. Confortable. Sans surprise. Tout le monde joue parfaitement le jeu. Il est impossible qu’ils n’aient pas noté mes sautes d’humeur. Impossible qu’ils n’aient pas remarqué que j’étais souvent déprimée. Mais je réponds invariablement « tranquille ». Et ils font invariablement semblant de me croire. Pourtant je me sens tellement bien aujourd’hui ! J’aurais envie de le dire à tout le monde, de raconter comme je me sens légère, débarrassée de… de je ne sais pas quoi, d’ailleurs, mais débarrassée sans le moindre doute ! Ah… les collègues.

Je les aime bien pour la plupart. Je leur sais gré d’avoir su être poliment discrets sur mes états d’âme, en fait. Dans un sens, je me sentirais même presque redevable. Jusqu’à ma hiérarchie qui a gentiment fermé les yeux sur mes périodes creuses, pourtant professionnellement assez désastreuses. Ils mériteraient de me savoir si bien aujourd’hui. D’être remerciés pour ne pas m’avoir enfoncée. Mais je ne peux pas leur raconter, évidemment.

 

Alors on va continuer. Tranquille. Cool. A plus. De toute façon, je ne vois pas bien ce que je pourrais raconter. Tout est déjà un peu flou. J’en arrive à me demander si c’est vraiment arrivé. C’est bizarre. Parce qu’en revanche je me souviens parfaitement bien de ce fameux jour avec Pierre, où j’avais eu exactement la même sensation d’évidence, sans pour autant aller au bout. Je le revois, là, debout devant la fenêtre ouverte après une de ces séances pénible et douloureuse de cris, de larmes, de violence…

Je me souviens très exactement de ce que je me suis dit alors. Qu’il serait toujours malheureux. Qu’il n’y avait rien à faire pour lui. Qu’il continuerait à faire souffrir les autres. A me faire souffrir, moi. Qu’il ne sortirait jamais de ma vie… il s’agrippait à moi comme à une bouée de sauvetage. C’était lui ou moi. De la même façon qu’il s’était « raté » la dernière fois, il n’oserait pas sauter ce jour-là, même si j’étais sûre que c’est à ça qu’il pensait. Je me suis dit « Pousse-le ».

 

Je ne sais plus ce qui m’a retenue de le faire, mais je l’ai souvent regretté. Non seulement pendant les semaines d’enfer que j’ai dû vivre encore avec lui après ce jour-là, mais aussi longtemps après avoir finalement réussi à me dépêtrer de cette histoire. Je le tiens pour responsable de la misère sentimentale de ma vie après qu’il l’a consciencieusement ravagée. Et si je l’avais poussé, peut-être n’aurais-je pas eu à faire ce que j’ai fait à… à… l’autre, là. Ah zut… comment s’appelait-il ? Bon sang… comment ai-je pu déjà l’oublier ? Peut-être qu’il ne m’a pas dit son nom ? J’ai pourtant bien dû lui demander… enfin bref. Peu importe. Je ne vois pas l’intérêt de remuer tout ça. Ce serait idiot de me miner le moral aujourd’hui alors que je me sens si bien !

 

***

Suite


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commentaires

P
Je suis très admiratif. En fait je suis fan.
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P
<br /> et moi je suis très touchée ! <br /> <br /> <br />
T
oui bon, j'ai de la lecture en retard (pour ne pas dire en souffrance, hein)...<br /> <br /> vala bala, j'arrive, j'arrive...
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P
<br /> <br /> je ne t'espérais plus, qu'est-ce tu foutais  ?<br /> <br /> <br /> <br />
S
! denmaD
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P
<br /> <br /> )o;<br /> <br /> <br /> <br />
S
hey, mes commentaires sont aussi chronologiques que tes articles, j'te ferais remarquer !! <br /> (nan mais tu crois p't'être qu'on t'avait pas vue !!)
Répondre
P
<br /> mon secret dévoilé : j'écris à l'envers.<br /> argh.<br /> <br /> <br />
S
"ma vie avec Mike Brant".
Répondre
P
<br /> dis, rassure-moi : t'avais vu que c'était numéroté de 1 à 4 et que ça commençait par le 1 pour finir par le 4 en passant par le 2 puis le 3, n'est-ce pas?<br /> <br /> <br />

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