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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 01:10

 

On entend souvent dire que les tueurs en série sont des hommes qui se trompent de victimes. Qu’ils ont souffert d’une mère castratrice et que c’est elle et elle seule qu’ils pensent tuer un peu en tuant toutes les autres. Il en va de même des séducteurs invétérés qui veulent aimer un peu leur mère dans chaque femme qu’ils séduisent… même s’ils sont moins violents.

Mais on ne dit rien des femmes qui tuent. Il y en a quelques-unes, pourtant. Et elles mettent en moyenne beaucoup plus de temps à se faire prendre que les hommes. Faut dire que souvent les hommes enragent de ne pas être connus et reconnus pour ce qu’ils font. Alors que les femmes semblent assez peu aspirer à ce genre de gloire. Faut dire aussi que les femmes sont de toute façon moins violentes. Elles tuent majoritairement en administrant du poison, tandis que les hommes tuent plutôt de leurs propres mains ou à l’arme blanche.

 

Ce que je trouve dingue, c’est qu’il y ait autant d’informations et de littérature sur ce sujet ! Les gens sont vraiment bizarres. Mais c’est vrai que de nos jours, on peut lire tout et n’importe quoi sur… tout et n’importe quoi.

Mais pas un mot sur moi. Enfin, pas vraiment sur moi, mais sur mes… mes trucs, là. Je n’étais pas à l’affut, mais j’aimais autant savoir qu’on ne me cherchait pas. Et jusqu’ici, tout allait bien. J’avais plutôt le moral depuis un moment. Le passé était de nouveau oublié et j’allais de l’avant en toute confiance. Je fuyais les hommes comme la peste, mais tant que je gardais prudemment mes distances, tout allait bien.

 

Alors j’ai rien vu venir quand tout m’est retombé dessus d’un coup. Je n’aurais pas cru que ça pourrait venir de lui, en plus. Bien sûr on avait eu des hauts et des bas, mais au final il était loin d’avoir été celui qui m’avait le plus fait souffrir. En tout cas j’ai toujours été persuadée, et je le suis encore aujourd’hui, qu’il ne m’a jamais fait souffrir sciemment. Il aurait tout fait pour l’éviter s’il avait su. Et je gardais de notre histoire, au fond, un souvenir plutôt agréable. On s’était quitté raisonnablement puis perdu de vue doucement, sans heurt, sans crise, sans drame. Une histoire somme toute assez normale.

Je ne l’avais plus vu depuis des lustres quand on s’est croisé devant ce cinéma. Il n’avait pas changé. On est allé boire un verre. Un moment sympathique. On a parlé du bon vieux temps, sans s’étendre plus que ça sur ce couple mal assorti qu’on formait. Un échange assez anodin entre deux adultes raisonnables avec une histoire commune et chacun une vie.

 

On s’est quitté en se promettant de se rappeler, en sachant bien qu’on ne le ferait pas et content l’un comme l’autre sans doute d’avoir eu la confirmation qu’on avait eu raison de se séparer. Alors je ne sais pas du tout pourquoi je l’ai rappelé. Et pourquoi je me suis sentie tellement bafouée qu’il ne me rappelle pas. Encore moins pourquoi j’ai cru mourir en apprenant qu’il s’était marié… Je sombrais de nouveau. Il fallait à tout prix que j’agisse vite pour y remédier. Et c’est là que j’ai merdé.

 

A agir sous le coup de la panique on ne fait jamais rien de bon. J’ai accumulé les erreurs. Mal choisi le lieu. Mal choisi la victime. Mal choisi l’arme. Mal choisi l’endroit où j’ai frappé. J’ai eu un mal fou à tuer le gus que j’avais aguiché en deux temps trois mouvements à un feu rouge. Il ne voulait pas mourir, bon sang. C’était terrible. Il criait, saignait de plus en plus à mesure que j’enfonçais ma lame trop courte partout où je pouvais, mais il ne voulait pas mourir. Et puis il a réussi à me blesser. Je ne savais plus à qui était le sang, je ne supportais plus ses cris, c’était épouvantable. J’ai fini par réussir à atteindre sa gorge et je me suis enfuie en courant, sans nettoyer, sans me doucher, rien. Il avait fait tellement de bruit que je ne voulais pas prendre le risque de perdre encore du temps chez lui.

 

***

 

Il n’a pas fallu deux jours avant que les flics débarquent chez moi. Ils n’avaient pas encore de quoi être sûrs que j’étais celle qu’ils cherchaient, mais ils semblaient me soupçonner. J’avais dû laisser chez le dernier type des preuves qui leur permettraient de m’enfermer pour au moins cent ans. Ce n’était sans doute qu’une question de temps. Je me sentais acculée.

 

J’ai cherché que faire pour me donner une chance de m’en sortir et j’ai pensé au psy. Je me suis dit que si j’avais l’air d’entreprendre une thérapie, j’arriverais peut-être à me faire passer pour une folle. Et qu’en lui racontant mes difficultés relationnelles avec les hommes, un bon psy me trouverait peut-être des explications valables, qui me feraient des excuses acceptables et des circonstances atténuantes en cas de procès.

 

J’ai pris le bottin, appelé tous les psys du quartier jusqu’à tomber sur un qui pouvait me recevoir le jour même. Il m’a demandé ce qui m’amenait et je lui ai donc raconté mes échecs amoureux, ma peur de souffrir, tout ça… Il ouvrait pas la bouche. Alors moi, vu que j’ai un peu de mal avec le silence, je blablatais… Lui se contentait de hocher la tête. Mais il ne semblait pas opiner en réaction à ce que je racontais, il hochait juste la tête à intervalles réguliers, mécaniquement, comme les petits chiens à la con sur les plages arrières des voitures de beauf. J’ai vite compris qu’il m’aiderait pas beaucoup, celui-là. Alors comme j’allais raquer quand même, j’ai continué à le gaver avec mes histoires. Question de principe.

J’en ai même inventé des débiles pour me marrer. Aucune réaction. Jusqu’à ce qu’il lève les yeux sur son horloge et me dise « Bien bien, on va s’arrêter là. Au prochain rendez-vous on parlera de votre père ».

 

Je suis presque sûre que si j’avais été un homme venu consulter pour une phobie des araignées ou pour arrêter de fumer, il m’aurait dit qu’on parlerait de ma mère la fois suivante. Bref. J’étais pas très avancée, mais en sortant, vu qu’il venait de m’y faire penser, je me suis dit que j’étais pas très loin de chez mon père et que ça faisait longtemps que j’étais pas allée dire bonjour. Alors j’y ai fait un saut. Et je ne sais pas… je ne m’explique pas vraiment. Les choses se sont passées presque malgré moi, encore une fois. Mais là… non, je ne sais pas. Je n’ai pas éprouvé le besoin d’effacer mes traces, de fuir, de me cacher… au contraire. J’ai appelé la police.

 

Au fil des interrogatoires je me suis aperçue qu’ils ne me soupçonnaient pas du tout pour les autres types, mais dans le fond je m’en foutais un peu.

Le psy, lui, a dû se sentir con en se rendant compte que j’avais filé tout droit massacrer mon père en sortant de chez lui, parce qu’il s’est défoncé pour m’aider. Et pour pas un rond.

 

Du coup, je suis dans une chambre blanc immaculé avec des sangles sur le lit au lieu d’une cellule grise avec des cafards dans les draps. Je ne sais pas si c’est mieux ici qu’en prison. En prison j’aurais sans doute eu besoin de me battre pour pouvoir me droguer. Ici on me drogue à l’œil et sans que j’aie à demander.

 

Je me sens bien maintenant. Apaisée.

 

***


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commentaires

W
alalawouiche, c'est bien magistralement exécuté tout ça.<br /> le découpage (pas des mecs - on dit dépeçage, non ?) des chapitres est foutre bien agencé.<br /> <br /> et puis, je sais pas... il y a là-dedans une sorte de sagesse froide... on la sentait venir dans tes précédents, enrobait leurs drames, mais dans celui-là, elle implose (se ramasse dans les profondeurs).<br /> <br /> ouénan, classe.<br /> <br /> <br /> [pi t'as vu, j'ai répondu "doucement alors"...]
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P
<br /> bah merciche... [à l'or, oui oui, vu...]<br /> <br /> <br />
T
Quel dommage que le format "blog" se prête assez peu à une lecture filée... ce récit mérite une version papier.
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P
<br /> ben ouais, mais pour que toutes les pages tiennent sur l'écran faut imprimer tout petit petit et au final c'est encore moins lisible.<br /> <br /> <br />
H
bon je peux en placer une ? je te laisse un comm pour les 4 chapitre...hein, je fais du tarif de groupe quoi....<br /> J'aime assez retrougver dans tes textes le melange psy et meurtre...c'est un melange explosif entre tes mains....ça donne des histoires haletante, rapide dont la fin étonne toujours même si c'est de survivre a l'une de tes histoire qui etonnerait le plus !
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P
<br /> ben quoi ? elle meurt pas, à la fin... <br /> <br /> <br />
C
Les histoires s'allongent. C'est bon ça ! :)<br /> Sympathiques échanges ensuite :o)
Répondre
P
<br /> et ben oui, c'est parce que les jours racourcissent...<br /> (c'est la faute à c'type ;o)<br /> <br /> <br />
S
je père soie ?<br /> allons bon...
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P
<br /> oh ça va, hein, ma langue a fourché des doigts.<br /> <br /> <br />

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