Ce texte est la réponse à la lettre publiée ici
Cher Monsieur Ducluzel d’Avricourt,
Je ne vous cache pas mon étonnement et, pour tout dire, ma stupeur teintée de colère à lecture de votre choquante missive.
M’auriez-vous agoni d’injures que je vous aurais au moins gardé toute mon estime, mais la désinvolture et le mépris avec lesquels vous parlez de votre délicieuse épouse me sont comme des flèches empoisonnées fichées en plein cœur.
Comment diable osez-vous ainsi ourdir en secret, avec celui qui amoureusement chérit votre divine épouse, un odieux complot visant à vous faciliter la vie quand elle et moi souffrons mille maux à chacun de nos rendez-vous clandestins de ne pouvoir nous aimer librement à cause de vous ?
Croyez-vous vraiment être étranger au désespoir qui a eu raison de la fidélité de votre charmante épouse ? N’avez-vous donc vraiment pas vu le désamour s’emparer petit à petit de son cœur et de son âme à son grand désarroi ? Combien de fois ne l’ai-je trouvée sanglotante et tremblotante entre mes bras après nos ébats ! Combien de peines, combien de chagrins ai-je dû consoler ! Si je n’étais pas moi-même pourvu d’une jeune épouse, sachez Monsieur qu’il y a bien longtemps que je serais venu en personne vous dire ma façon de penser !
Quoi qu’il en soit et afin d’éviter que la situation ne dégénère - je ne voudrais pas ajouter au chagrin de votre sensuelle épouse la honte et l’humiliation de voir son époux rossé par son amant - sachez que la mienne, d’épouse, fréquente tous les mercredis un club de bridge : c’est pourquoi votre succulente épouse et moi-même nous rencontrons invariablement ce même jour. Aussi s’il vous agréait d’user de votre influence pour que le club se réunisse dorénavant le jeudi, votre somptueuse épouse et moi-même serions bien obligés de changer notre rendez-vous hebdomadaire.
Sachez, Monsieur, que je ne vous salue pas.
Jean-Pierre Broutin.
Ecrit pour Kaléïdoplumes.