Je déteste ça. Sincèrement.
Cogner un gosse ne l’a jamais rendu moins pénible et la baffe me fait plutôt l’effet d’un défouloir pour qui l’assène. Alors quand un geste malheureux m’échappe malgré moi, je déploie tant d’efforts et d’énergie pour lutter contre la culpabilité et me faire pardonner que l’éventuel bénéfice du dérapage éducatif à l’ancienne s’en trouve forcément totalement réduit à néant.
C’est ce qui s’est passé hier. Même si c’était parfaitement accidentel.
J’adore ma fille, évidemment, mais elle a ce don tout particulier qu’ont beaucoup d’enfants de pouvoir me rendre folle en moins de huit minutes. Le plus souvent, l’adulte raisonnable que je suis sait traiter la situation de crise avec calme et bon sens et, à coups de « va dans ta chambre » ou de « pas de télé ce soir », le conflit finit par s’épuiser tout seul. Mais parfois il peut arriver que je me départe malgré moi de mon flegme légendaire et que l’envie me prenne soudain d’attraper la petite tête de ma douce progéniture hurlante pour l’encastrer dans un mur.
Que voulez-vous, même les plus grands maîtres zen ne sont finalement qu’humains. Alors moi…
Bref. Ainsi donc, hier, je rêvais en secret de noyer ma délicate descendance dans la cuvette des toilettes, mais, comme la violence ne résout pas grand-chose en général et tend à plutôt énerver un peu plus encore les enfants en particulier, je me suis contentée de lever une main menaçante au-dessus de la joue de ma délicieuse enfant. Sauf qu’au même moment elle a eu un mouvement brusque en sens inverse, si bien que ma main, dans son geste de menace inoffensif, a accidentellement rencontré sa joue, provoquant aussitôt cris, incompréhension, pleurs, culpabilité maternelle et… une affreuse marque rouge sur la pommette. Très rouge.
J’ai passé le reste de la journée à essayer de me racheter aux yeux de la pauvrette défigurée, qui a donc mangé au Mac Do, fait un tour de poney, choisi le livre qu’elle voulait avec les princesses qui brillent à la librairie, regardé la télé et mangé une glace après ses nouilles au dîner. De rouge, la pommette virait un peu au violet, mais l’ambiance était désormais rose bonbon et trois histoires au lieu d’une avant de dormir ont fini d’effacer le douloureux souvenir du drame.
Au réveil, la marque se voyait encore, mais tout juste. L’horrible incident de la veille allait vite être oublié. Sauf que la maîtresse a deviné le bobo, pourtant presque invisible, sur la joue de ma fille.
- Et ben ma pauvre chérie, qu’est-ce qui t’est arrivé ?
- C’est maman qui m’a frappée.
Du coup, là, elle en a pris une, de baffe. Et elle l’a pas volée, celle-là.