Jamais je ne serais allée m’inscrire sur un site de rencontres : bien sûr on n’y trouve pas que des pervers… mais plus sûr encore, tous les pervers s’y trouvent. On a beau être pervers on n’en est pas forcément stupide pour autant. Et où chercher à assouvir ses fantasmes lubriques sinon dans un vivier en perpétuel renouvellement d’âmes esseulées ? Alors les sites de rencontres, non. Jamais de la vie. Je n’aurais pas osé.
Mais là…Oui, on s’est bien croisé sur internet, mais sur un site de création littéraire. S’il vous plaît. Excusez du peu. D’entrée, ça en jette, hein ?
- Et comment vous vous êtes connus ?
- Par affinités littéraires… il poètait, je scribouillais, on s’est très vite plu.
Y a pas à dire, ça a de la gueule, comme rencontre.
Evidemment, au début, j’étais plutôt réticente… Faut dire qu’il m’a fait une cour certes très courtoise, mais pour le moins persévérante et totalement déroutante. Pensez donc : des poèmes comme s’il en pleuvait, de l’amour à chaque vers et une invitation permanente au rêve qui sommeille en chaque femme tant soit peu fleur bleue… Alors oui, c’était un peu trop, tout ça, quand même. Mais il a su abattre toutes mes résistances… Tout en douceur, progressivement, méthodiquement… Un doute ? Un poème. Une crainte ? Une chanson. Comment aurais-je pu résister ? Sans compter tous ces points communs qu’on se découvrait au fil de nos échanges. Et sa voix si douce et chantante au téléphone... Ah quel bonheur ! De célibataire presque endurcie je me retrouvais égérie sublimée dans des vers somptueux… Alors oui, bien sûr, j’ai accepté qu’on se rencontre.
Il y avait bien eu cette fois, là…
- Oh ! J’adore cette chanson ! Tu la connais ?
- Oui : c’est tel album, chanson numéro tant.
- Whow ! Faut être autiste ou psychopathe pour retenir des trucs comme ça !
- Mais non… C’est que je l’adore aussi, alors à force de l’écouter…
Maintenant que je suis attachée, nue et grelottante, à mon propre radiateur avec ce malade qui me grave ses putains de poèmes au cutter sur la poitrine, j’essaie de comprendre quels sont les autres signes que j’ai négligés.