Entre ses contacts à lui que j’avais rencontrés et mon nouveau réseau d’ex-taulardes, j’ai sillonné méthodiquement le pays, de planque en planque, pour le retrouver. J’avais su, en prison, qu’il avait commencé à se faire une sacrée réputation dans le milieu et la presse commençait à l’aimer aussi, avec sa belle gueule…
Du coup, je l’ai logé assez vite. C’est une copine avec qui j’avais partagé ma cellule quelques temps qui m’a donné l’tuyau. J’ai jamais su ce qu’elle avait fait, elle. J’ai jamais voulu savoir. Elle faisait un peu peur à tout le monde. Mais elle était d’une loyauté indéfectible. Et elle l’avait connu, mon homme, à sa sortie, six mois à peine après mon arrestation. Et il m’avait déjà remplacée. Par une jeunette blonde, qu’elle m’a dit. Un genre de beauté fadasse, une môme qu’avait l’air d’avoir fugué de chez ses parents la veille. Je ne sais pas ce qui, de la fureur ou du chagrin, l’a emporté. Ma copine, elle, a eu l’air de savoir. Elle m’a dit de rester chez elle quelques jours, pour réfléchir, avant de faire quoi que ce soit. Je suis restée, j’ai réfléchi. En quelques années à peine, j’avais ruiné intégralement mon existence. La gentille gamine de la campagne que j’étais était devenue une ex-taularde tatouée, la moitié du corps couvert de cicatrices, j’étais seule, mes rares connaissances étaient des criminelles et l’homme pour qui j’avais fini de ravager ma vie en prison avait mis moins de six mois à m’effacer. Qu’est-ce que je pouvais faire ?
Encore une fois, ma copine, elle, savait. Elle a rien dit. Mais le jour où je suis sortie de l’espèce de torpeur dans laquelle j’avais passé ces quelques jours, elle m’a donné un paquet que je n’ai même pas ouvert. Je savais ce qu’il contenait. Et je suis allée chez lui.
J’ai observé. De ses deux copains, il ne semblait en rester qu’un. Sa poule était bien comme avait dit ma copine. Une gamine fraîche comme une rose. Lui… lui avait toujours cette même belle gueule et ses grands airs qui le faisaient paraître mystérieux. J’ai observé leurs allers et venues, réfléchi un peu, jusqu’au jour où le copain est parti avec une valise. C’était le moment. Il allait être seul avec elle.
J’ai ouvert le paquet de ma copine et je suis entrée dans la baraque. Avec l’effet de surprise, tout s’est passé comme sur des roulettes.
Maintenant ils sont dans la pièce d’à coté. Et moi je suis là à me demander comment j’en suis arrivée là et si j’ai une chance de m’en tirer. Sans doute pas. Et alors ? Ma vie, elle est déjà derrière moi. Loin derrière. Je vérifie une dernière fois que l’flingue de ma copine est bien chargé. Je peux pas le laisser s’en tirer. Il doit crever. Je me lève avec la détermination qui m’a toujours manqué avant. Il va crever.
J’ouvre la porte, il me regarde. Il sait. On sait tous les deux qu’il ne peut en être autrement. Je lui souris quand je pointe le canon de mon arme sur son front. Il me rend mon sourire. Je crois voir dans son regard… quoi exactement ? un remords ? des excuses ? de l’amour ? Je lui souris encore quand mon doigt commence à presser doucement la détente. Lui ne sourit plus. Il ferme les yeux, baisse légèrement la tête.
Et quoi ? Parce qu’il a cette attitude résignée, parce qu’il fait mine d’accepter le sort que je lui réserve, parce qu’il semble avoir attendu cette issue à notre histoire, je vais le faire ? Tout ça n’aura servi à rien ?
J’ai souri encore en abaissant l’arme. Il a relevé la tête. A jeté un œil à sa poule. M’a regardée à nouveau. Il a dit « Ça va aller Poupée »… et j’avais envie de le croire. Mais c’est l’autre qui a répondu. C’était elle, la poupée. Pas moi.
Son regard est encore passé d’elle à moi et il a à peine eu le temps de comprendre quand j’ai relevé le flingue et tiré.
Inspiration puisée sans vergogne et en toute bonne foi chez Henriette. Merci m'dame !