Dimanche, 2 heures et quelques un matin de fin d’automne à Paris.
Les bars ont fermé et ceux qui ne se sont pas vidés au profit des boîtes de nuit du coin ont déversé leur clientèle plus ou moins enivrée sur les trottoirs. Les bouches de métro ont tiré leurs grilles et les rares bus de nuit me sont encore trop peu familiers pour que je tente l’aventure. Un vélo ? Oui… mais non. Je sais à peine où je suis, il fait super froid, je suis en manches courtes sous mon manteau léger et surtout je n’ai pas de gants. Alors je rejoins la foule des chalands à l’affut d’un taxi libre.
Le taxi libre aux heures de fin de sortie dans les rues parisiennes est une denrée rare. Et chère. Et généralement mal lunée, allez savoir pourquoi… Le taxi parisien de nuit s’en colle généralement plein les poches, n’hésitant pas à refuser qui semble avoir trop bu ou qui habite dans un coin où la clientèle risque d’être un peu trop rare pour lui éviter un retour à vide. Il se laisse même aller, parfois, à l’application évidemment interdite de la course au forfait, s’octroyant ainsi un bonus sur le dos du fêtard fatigué qui veut rentrer chez lui… Mais malgré ça il est souvent malpoli et grincheux.
Rapidement découragée, j’ai quitté une station bondée où l’on voyait de tout sauf des taxis et j’ai commencé à marcher, plus ou moins en direction de chez moi, en suivant une grande artère et en espérant pouvoir attraper au vol un taxi miraculeux.
Et c’est là que l’inespéré s’est produit : à peine partie je suis tombée sur un taxi libre et disposé à m’emmener… où je voudrais. Il n’a même pas demandé où j’allais avant de me laisser monter. Je l’aurais bien embrassé, mais faut pas pousser quand même.
Je lui ai donc indiqué ma destination et l’ai écouté d’une oreille distraite, mais polie, m’expliquer sa façon à lui de travailler, tellement plus professionnelle et consciencieuse que celle de ses confrères. Comment lui n’arnaquait jamais le client, ne lui faisait jamais payer un détour qui n’était pas nécessaire, acceptait même les courses « hors zone », emmenait n’importe qui n’importe où, trouvait tellement normal que quelqu’un qui sort faire la fête puisse rentrer chez lui à n’importe quelle heure sans se ruiner ni attendre des heures une bonne âme qui voudra le prendre malgré une alcoolémie généreuse ou une adresse lointaine…
Pour un peu je me serais laissé aller à une effusion de remerciements chaleureux et sincères, alors même qu’il allait d’ici peu me délester probablement d’une petite vingtaine d’euros. Arrivée à bon port, 17,80 € au compteur. Je sors un billet de 20 et là, mon merveilleux taxi généreux et dévoué me dit le plus naturellement du monde que bon, il n’a pas la monnaie, hein ?
J’ai eu un instant de flottement.
Et puis l’instant est passé. Entre-temps il avait empoché mes 20 €. J’ai tiré au maximum la ceinture de sécurité et, effet de surprise aidant, il n’a pas du tout réagi quand je la lui ai passée autour du cou et que j’ai commencé à serrer.
J’aime pas qu’on se foute de ma gueule.