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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 00:24

 

Evidemment, j’ai affolé les détecteurs de métaux à l’entrée. Mais j’avais une invitation en bonne et due forme et un déguisement plus vrai que nature, alors ils m’ont laissée entrer. J’ai fait sensation avec mon costume de Freddy Krueger, même si la moitié des gens me prenait pour Edward aux mains d’argent. Les gens l’aiment bien, Edward aux mains d’argent. Un vrai gentil. Alors que Freddy… Quoi qu’il en soit, mes griffes aiguisées et moi-même avons pu nous mêler tranquillement à la foule des Dark Vador, Catwoman, drag queens et autres geishas, jusqu’à ce que l’alcool ait copieusement imbibé tout ce beau monde. Alors j’ai commencé à me servir de mes griffes. Le temps que les gens comprennent que ça ne faisait pas partie du spectacle, j’ai fait un vrai carnage.

L’an prochain, je me déguise en faucheuse.

 

 

 

 

Ecrit pour les Impromptus littéraires sur le thème « Bal masqué ».

 

 

 

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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 21:19

 

Il s’est levé sans discrétion au beau milieu de la réunion, annonçant à la cantonade qu’il était obligé de partir parce qu’il devait aller chercher ses enfants.

 

A peine a-t-il refermé la porte derrière lui que commençait le concert d’éloges sur ce papa « si mignon », « touchant » et « tellement formidable ».

 

Pour ma part, cela fait exactement six ans, trois mois et quelques jours que je me bats presque quotidiennement pour que les gentils organisateurs de réunions veuillent bien avoir l’amabilité de ne pas les organiser au-delà de la fameuse « heure des mamans » - que personne n’a jamais imaginé appeler « heure des papas », soit dit en passant.

Six ans, trois mois et quelques jours que je bafouille des excuses confuses et presque honteuses sous les regards souvent méprisants, parfois noirs et toujours agacés des autres participants chaque fois que, malgré mes efforts, une réunion que je ne peux pas sécher est organisée à une heure trop tardive.

Six ans, trois mois et quelques jours que la plupart du temps je préfère rater lesdites réunions plutôt que de les perturber par mon départ prématuré, ratant du même coup l’occasion de faire valoir mon travail, mes arguments ou ma position sur les sujets abordés.

Six ans, trois mois et quelques jours que, réunion ou non, je surveille l’heure et quitte le bureau en courant chaque soir pour ne pas être en retard.

Six ans, trois mois et quelques jours, cinq jours sur sept. Et je vous mets au défi de trouver qui que ce soit qui m’aurait entendue m’en plaindre ou m’en vanter.

 

Et lui, une fois, une seule fois, consent l’effort de faire sonner sa montre au milieu d’une réunion pour ne pas oublier d’aller récupérer ses gosses pour la première fois depuis qu’ils sont nés, et voilà qu’il fait l’admiration de toute l’assistance, hommes ET FEMMES à l’unisson. Et personne pour s’émerveiller des deux-cents et quelques autres jours de l’année où la mère de ses enfants quitte son travail de bonne heure pour aller les chercher.

 

Personne non plus pour trouver que mes départs précipités tous les jours depuis six ans, trois mois et quelques jours sont mignons, touchants ou formidables.

 

Du coup, avant que le flot des louanges ne se soit totalement tari, je me suis levée et j’ai quitté la salle de réunion sur un « Egalité des sexes, mon cul ! » tonitruant.

 

Je suis presque sûre que s’il l’avait dit, lui, avec grandiloquence, avant de partir, tout le monde aurait admiré la justesse et la grandeur de son engagement.

 

Moi, depuis, non seulement je continue de me battre pour que ces connards de réunionistes arrêtent de vouloir me faire bosser la nuit, mais en plus les mêmes connards m’appellent désormais « l’hystérique », et même pas seulement dans mon dos.

 

Alors vous voulez que je vous dise où vous pouvez vous la carrer, votre journée de la femme ?

 

 

 

 

 

Pour Laurence… et les autres.

 

 

 

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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 23:33

 

Le Printemps des Poètes s’installe le temps d’une après-midi au centre d’animation Brancion, où nous nous efforcerons de faire passer aux petits comme aux grands un bon moment tout en vers et en rimes !

 

pouet.jpg

 

Samedi 19 mars

à 14h30

 

 

Du théâtre, du théâtre et encore du théâtre !!!


Des ateliers pour tous, des animations autour de la Poésie dans tous ses états.
Lectures, mises en espace, interprétations, improvisations, jeux de rôles et jeux de mots...

 

VENEZ NOMBREUX !!

(entrée libre)

 

Centre d'Animation Brancion                    Métro : Porte de Vanves
18 av de la Porte Brancion                      Bus : PC, 95 et 58.

75015 PARIS                                        T3 arrêt Brancion

 

plan.jpg

 

 

 

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 01:01

 

Je ne l’avais pas remarqué avant qu’un autre ouvrier ne vienne à côté de lui et ne m’oblige à les contourner. Quand je suis arrivée à sa hauteur, il s’est tourné et là, je l’ai vraiment remarqué. Il était d’une beauté stupéfiante. Très exactement le genre de type dont je me dis qu’il n’aurait qu’à demander, je dirais oui. Quoi qu’il demande. C’est pas parce qu’on a un cerveau qu’on est toujours obligé de s’en servir.

Je me suis arrêtée, incapable de détacher mon regard de sa plastique parfaite et, alors qu’il poursuivait son mouvement en conversant avec son acolyte, ses yeux sont venus se planter droit au fond des miens. J’avais l’impression que tout s’était ralenti autour de nous et qu’un violon venait couvrir le vacarme de la rue et du chantier. Je suis sûre qu’en tendant la main j’aurais pu toucher ce lien invisible qui d’un seul regard venait de sceller mon sort au sien.

Et puis la magie de l’instant s’est évanouie. Il a rejoint son échafaudage, moi mon bureau, la vie est ainsi faite… Sauf que je n’ai pas été foutue d’additionner deux chiffres ou d’aligner trois mots de toute la journée. Je n’ai pensé qu’à lui. Lui, sa belle gueule, son regard plongé dans le mien et toutes les promesses que j’y avais lues.

Alors en quittant le bureau, je suis retournée là où je l’avais vu, mais l’échafaudage n’y était plus. Le destin est parfois capricieux, la vie est ainsi faite… Sauf que je n’arrivais plus à chasser ses yeux de mon esprit. On ne regarde pas une femme comme ça pour s’en remettre aux caprices du destin. J’ai donc décidé de le retrouver.

 

J’ai d’abord essayé avec méthode en cherchant l’entreprise qui avait effectué les travaux et en interrogeant les employés que je trouvais, mais on a cru que j’étais de l’inspection du travail et personne ne connaissait plus personne. Alors j’ai joué franc jeu en expliquant que ce n’était rien moins que l’homme de ma vie que je recherchais, mais là on s’est copieusement foutu de ma gueule et j’ai cessé d’être méthodique pour me contenter d’être obstinée : j’ai arpenté tous les trottoirs de la ville et d’un paquet de banlieues, en quête de travaux et d’ouvriers.

Je ne saurais dire combien de kilomètres j’ai parcourus, combien d’ouvriers j’ai dévisagés avec beaucoup trop d’insistance, combien de maçons, peintres, électriciens j’ai interrogés… mais ce que je sais, c’est que je peux localiser avec précision 322 chantiers et que je connais désormais tous les corps de métier du bâtiment. En tout bien tout honneur.

Et parce que la persévérance finit toujours par payer, j’ai fini par le retrouver. Je commençais à ne plus vraiment y croire et je ne continuais plus que parce que je perdais déjà un peu la raison et que cette quête stupide tournait inéluctablement à l’obsession, mais contre toute attente je l’ai retrouvé. J’arrivais à proximité d’un échafaudage au bas duquel deux ouvriers discutaient, de dos, et en m’approchant d’eux j’ai repensé à ma grande scène au ralenti avec violon et regards foudroyants, qui avait commencé comme ça, avec deux ouvriers de dos, et j’étais en train de me dire que ce serait amusant que justement ça se repasse de la même façon et qu’il se retourne et que ce soit lui et… c’est à ce moment-là qu’il s’est retourné et c’était lui. Je me suis figée, émerveillée par la beauté de la vie, un sourire que je sentais béat aux lèvres et mes yeux, déjà soulignés par la brillance de mes premières larmes de joie, résolument braqués sur son visage, attendant d’accrocher son regard.

Il m’a vue, m’a regardée un instant, à peine, un de ses vrais instants qui ne sont qu’un très court laps de temps entre deux autres instants sans rapport, pas du tout un instant d’éternité empreint d’une douce magie, et il a poursuivi son chemin. Comme ça.

 

J’ai d’abord voulu mourir. De chagrin, de honte, au choix… Et puis le bruit m’a fait lever la tête et je l’ai vu, là, sur son échafaudage, en train de faire comme si j’existais pas avec ses potes, comme si ça faisait pas des semaines que je ne vivais que pour lui… et j’ai décidé de lui montrer que j’existais.

Il y avait un genre de gros marteau qui traînait, je l’ai pris et j’ai commencé à cogner dans l’échafaudage. Mon bellâtre et ses potes ont tout de suite moins fait les malins. Y en a un qu’était pas encore très haut et qu’a sauté pour essayer de m’arrêter, je lui ai explosé le crâne d’un seul coup. Ça ricanait moins dans les hauteurs. J’ai continué à taper et il s’est littéralement mis à pleuvoir des hommes… Hallelujah ! Ha ha ! Ceux qui tombaient et qu’avaient l’air encore vaillants, boum ! Un coup de masse. Ça pleurait comme des fillettes, même l’ouvrier des Village People avait l’air plus viril. Quant au, mien, je l’ai vu qu’était encore accroché au-dessus de ma tête, il s’était chié dessus et putain, il était carrément plus sexy du tout… Tout ce temps perdu pour un blaireau agrippé désespérément à une gouttière le cul merdeux ! Ça m’a encore plus énervée et j’ai redonné un grand coup qu’a foutu par terre tout ce qui restait de pauvres types accrochés en l’air. Le mien est tombé direct à mes pieds. Je lui ai fracassé sa belle gueule jusqu’à ce qu’il n’en reste rien qu’ait l’air humain.

 

Après, c’est un peu flou. Les sirènes, les menottes, les cris, tout ça… Je ne suis pas trop sûre de ce qui s’est passé, mais à un moment il y a eu ce type, là, qui a pris mes empreintes… la façon dont il a pris mes doigts dans les siens… Et ce regard, quand il m’a tendu un mouchoir pour essuyer ma main…

 

 

 

 

 

* Carole Bouquet à Michel Blanc dans « Grosse fatigue », une de mes répliques préférées du cinéma français.

 

 

 

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 00:37

 

On voit souvent dans les (mauvais) films ou dans les (mauvaises) séries des gens qui, par un (mal)heureux concours de circonstances, sont amenés à témoigner dans des affaires criminelles et, notamment, à décrire des suspects.

Genre, dans la rue, le témoin aperçoit un mec et hop ! Le mec commet un forfait odieux et le témoin, sous ses airs de « je sais plus trop bien tout ça est allé très vite », donne une description approximative, mais correcte, du mec odieux. Le plus souvent, ça commence par une description de la personne la plus commune du monde et ensuite l’enquêteur, qui sait s’y prendre avec les témoins évasifs, pose une question d’apparence anodine, mais en vrai mûrement réfléchie, qui fait se souvenir le témoin d’un détail qu’il croit qu’il s’est rappelé tout seul (HA HA HA ! Quel con ce témoin !) et hop ! L’enquêteur tient une piste en or.

« Ah, tiens, j’y pense… c’est peut-être inutile, mais je me souviens soudain que le criminel odieux que j’ai aperçu portait un pin’s rouge et or avec des initiales et une petite étoile dessus. Je ne sais pas si ça peut vous aider. »

« Oh ! Un détail… il avait une petite cicatrice en forme de bite sur le poignet droit. »

«  Attendez ça me revient ! C’est sûrement sans importance, mais il avait un petit trou à son pantalon juste au-dessus de son genou droit. »

 

Allez, franchement… Si vous croisez un type, probablement sans vraiment vous apercevoir que vous l’avez croisé, vous êtes capable d’en dire quoi, hm ?

Je veux bien croire qu’il existe des tas de gens plus physionomistes que moi, mais il en est aussi qui le sont moins. Evidemment, le type microscopique que je croise parfois près du bureau, avec sa calvitie dissymétrique à gauche et ses yeux globuleux qu’on croirait déformés par une loupe, je peux en dire suffisamment pour qu’on le reconnaisse facilement. Idem pour l’énorme dame qui a l’air de n’avoir que ses mains et la pointe de ses pieds qui débordent de la boule flasque de son corps, à tel point qu’on ne distingue jamais très bien l’avant de l’arrière. Mais outre le fait que tout le monde, observateur ou pas, est capable de les décrire après un seul regard, ça ne sert de toute façon à rien : la claudication du premier et le volume de la seconde leur interdiraient toute tentative de fuite et personne n’aurait besoin de savoir à quoi ils ressemblent pour les retrouver.

En revanche, pour les centaines de personnes ordinaires qu’on croise tous les jours, c’est coton de trouver quoi que ce soit à en dire. Je veux bien croire que l’inconscient enregistre certains détails, mais je doute que se creuser consciemment l’inconscient soit chose aisée.

Alors moi, dans la rue, je m’entraîne.

Non pas que j’espère croiser un jour un criminel odieux ou devenir témoin du mois dans le commissariat du quartier, mais c’est un jeu comme un autre. De temps en temps, j’essaie de me souvenir de la personne que je viens de croiser, comme ça, sans m’être prévenue à l’avance que j’allais me le demander. Là, je suis assez nulle.

« Euh… une dame… De ma taille. Ou à peu près. Brune. Non, châtain. Ou… »

Et en me retournant, soit je ne retrouve même pas qui c’était, soit c’était un ado immense et dégingandé blond comme les blés.

Alors le plus souvent, pour me faciliter un peu les choses, je choisis quelqu’un que je vais bientôt croiser, je l’observe bien et après j’essaie d’en faire une bonne description. C’est-à-dire de trouver les détails qui le distinguent des autres pour faire un bon témoin de (mauvais) film ou de (mauvaise) série. Et c’est là qu’on s’aperçoit que les gens sont d’un commun… Même en les regardant vraiment bien, la plupart du temps je n’ai rien à en dire.

 

Mais parfois on tombe sur des bons clients.

 

Le type que j’ai dû décrire vingt fois aux flics et à leurs dessinateurs puis au tribunal en était un. Je n’avais pas trop bien compris ce qui s’était passé. Je l’avais choisi au hasard pour jouer et une fois que je l’ai croisé, j’ai entendu des cris dans mon dos. En me retournant, j’ai vu des tas de gens s’agiter en tous sens, courir, crier, et cette pauvre femme par terre, dans une marre de sang.

Mais moi j’avais non seulement vu, mais aussi tout particulièrement soigneusement observé le criminel odieux. J’en ai fait une description tellement complète et précise – manquait plus que la couleur du slip – que les flics m’ont d’abord soupçonnée. En même temps, à leur place, j’aurais fait pareil. Un témoin trop précis, c’est comme un alibi trop bon ou trop spontané, c’est louche.

« Que faisiez-vous le 12 juin 1998 entre 19h30 et 20h15 ? »

« Hm… que j’me souvienne… hm… Ah ! Mais oui, bien sûr ! Ce jour-là j’étais dans le bus avec le fils du buraliste qui rentrait de chez un ami et le conducteur, c’était ce grand noir sympathique qui sifflote quand le feu est rouge. Demandez-leur, ils se souviennent sûrement. »

Bref.

Ils ont toutefois assez vite compris que j’étais bonne comme le pain et douce comme un agneau et ont cessé de me cuisiner pour se concentrer sur ma description, à partir de laquelle ils ont fait un portrait qui était tout sauf robot : c’était tellement détaillé qu’on aurait dit une photo. Ils ont retrouvé le type en deux temps trois mouvements. Mon témoignage a fait voler en éclats tous ses pauvres arguments et il a fini en prison pour le restant de ses jours ou quasi.

J’étais pas fière fière d’avoir ruiné son existence, mais qu’est-ce que j’étais fière de mon témoignage ! J’avais pas loupé le moindre détail. Le léger strabisme, le grain de beauté sur la joue, l’oreille gauche un peu plus décollée que la droite, la couleur et la marque du pull, la longueur exacte du manteau, l’écusson sur le revers, la bague, la coupe de cheveux, la courbe des sourcils, tout ! Un vrai témoin de compétition. Tout juste s’ils n’ont pas voulu organiser un concours du meilleur témoin du monde rien que pour pouvoir me faire concourir. J’ai même eu le droit de garder le portrait robot et la photo de la fiche anthropométrique tellement ils étaient contents de moi.

 

Manque de pot, c’était pas le bon type.

C’était bien le gars que j’avais croisé, là, pas de doute possible, mais ce n’était pas le tueur.

Je m’aperçois que je ne m’étais même pas posé la question, emballée que j’étais à l’idée de pouvoir tester mes aptitudes descriptives in situ. Il y avait eu des cris, de l’agitation, des gens qui couraient… J’avais bien observé ce type juste avant, il n’était plus là juste après… Je ne m’étais pas posé la question de sa culpabilité. D’ailleurs personne ne me l’avait posée. Jusqu’à ce matin.

Quand le mec a sonné à ma porte, j’ai entrouvert et son visage m’était vaguement familier. Quand il m’a demandé si j’étais sûre d’avoir envoyé la bonne personne en prison, je me suis agacée et je lui ai dit qu’il y avait eu une enquête et un procès et que c’était avant tout un juge, qui l’avait condamnée.

Il a eu un sourire agréable et je me suis radoucie un peu. Et quand il a dit « Je voulais quand même vous remercier », j’ai eu un instant d’hésitation que je n’ai pas fini de regretter. Quoique… ça ne sera peut-être plus très long, maintenant. J’aurais dû comprendre, claquer la porte et appeler la police, mais au lieu de ça, il a profité de mon bref trouble pour me repousser à l’intérieur et sortir un couteau. Peut-être le même qu’il avait utilisé ce jour-là, quand j’étais tellement concentrée sur l’autre type.

 

 

 

 

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 00:46

 

-          T’as lu L’alchimiste ?

-          Non.

-          Ça parle de moi.

-          Ah ?

-          Ouais. Y a un berger, y m’demande « c’est où les pyramides ? » et moi j’lui dis « c’est par là ».

-          Ah.

-          Ouais. J’suis figurant dans L’alchimiste.

-          Ah, bien…

-          Tu lis quoi, là ? Ça parle de quoi ?

-          Euh… De l’histoire des Etats-Unis, en gros.

-          Quel état ?

-          Euh… un peu tous, en fait.

-          Ah. C’est trop compliqué pour moi, j’peux pas comprendre.

 

 

-          T’as lu Le parfum ?

-          Oui, ça j’ai lu, oui.

-          C’est trop classe, Le parfum, hein ?

-          Oui, c’est bien.

-          Troooop classe, Le parfum. Mais j’préfère L’alchimiste, j’suis plus dedans. C’est trop classe L’alchimiste. Allez, bonne soirée.

 

 

 

 

Brève rencontre sur un quai de métro avec un homme qui n’attendait pas le métro.

 

 

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20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 18:48

 

La nuit dernière, j’ai fait un rêve génial.

Je squattais un appartement immense et magnifique, mais j’étais traquée, pour une raison qui s’est perdue au réveil, par d’affreux méchants aux intentions indéniablement hostiles et je m’enfuyais par des escaliers secrets cachés dans un placard, jouant ma vie à chaque marche que je dévalais, jusqu’à tomber finalement sur le voisin du rez-de-chaussée et finir en chabadabada, les yeux dans les yeux dudit voisin, qui n’était autre que Hugh Laurie, alias Dr House, alias un de mes fantasmes inavouables. Je me suis réveillée en ayant l’impression d’avoir vécu une superproduction hollywoodienne.

 

La soirée qui avait précédé ce rêve, j’avais vu « Un tramway nommé désir » (1) au théâtre et lu James Ellroy pendant l’entracte.

 

Aujourd’hui, je suis allée au théâtre « en matinée », c’est-à-dire à 15 heures, parce que ça m’arrangeait et les places étaient moins chères. Je m’attendais à ce que le public soit composé de vieux et de pauvres, mais il faut croire que les pauvres ne vont pas au théâtre. Ou qu’ils ne sont pas si pauvres qu’ils veulent le faire croire. Quoi qu’il en soit, il n’y avait que des vieux. Réglage de sonotones pendant toute la première demi-heure, début des ronflements au bout de 45 minutes, murmure à chaque réplique (« Qu’est-ce qu’il a dit ? » / « Je sais pas, j’ai pas entendu ») et, bien évidemment, pas de standing ovation, parce qu’entre l’intention et l’action, les comédiens avaient quitté la scène et les lumières s’étaient rallumées. La pièce, « Diplomatie » (2), traitait de cette nuit au cours de laquelle l’officier allemand qui devait détruire Paris a finalement décidé de ne pas le faire.

 

Je me demande de quoi je vais rêver cette nuit, mais j’ai bon espoir pour un grand feu d’artifices à base d’explosions de vieux en plein vol, lancés du haut de la Tour Eiffel en flammes. Ça devrait être bien aussi.

 

 

 

 

 

(1)          Un tramway nommé désir à la Comédie française jusqu’au 2 juin, avec (entre autres) Anne Kessler, Eric Ruf (mmmm… Eric Ruf…) et Françoise Gillard. Génial.

(2)          Diplomatie au théâtre de la Madeleine, avec Niels Arestrup et André Dussolier. Deux monstres superbes.

 

 

 

 

 

 

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15 février 2011 2 15 /02 /février /2011 11:40

 

C’était une bombe.

Pas une fille qui inspirait de longs moments de tendresse, suspendus dans le temps, votre regard solidement ancré dans le sien, sa main dans la vôtre et au bord des lèvres le souffle rêveur d’une invitation à la romance poétique au clair de lune.

Non.

Cette fille… Si vous cherchiez ses yeux pour y accrocher les vôtres et lui montrer sans un mot la profondeur de votre âme, elle s’arrangeait pour faire entrer ses seins dans votre champ de vision et vous montrer la profondeur de son décolleté.

Et je ne dis pas ça parce qu’elle avait de scandaleusement beaux seins ronds et fermes, dont les tétons pointaient fièrement vers le ciel en une promesse silencieuse de débauche divine.

Non. Vraiment.

Elle ne voulait pas de mots doux. Pas de regard langoureux. Pas de doigts qui s’entrecroisent maladroitement sur la table ou de genoux qui se frôlent timidement dessous.

Et je ne dis pas ça parce que dès l’apéro, j’avais déjà envie de la sauter. Pour être exact, elle était même la femme que tous les hommes rêvent de sauter dès leurs premiers émois érotiques et solitaires de l’adolescence.

Non. Si je dis ça, c’est qu’avant qu’on ait fini l’entrée, elle avait déjà son pied sur mes couilles et n’a cessé de me les caresser jusqu’à l’addition. Sauf quand elle s’est levée pour aller faire pipi. J’étais dans un tel état d’excitation que j’ai même eu le début d’une éjaculation quand elle a dit « faire pipi » avec son petit nez coquin qui s’est retroussé sur un sourire lubrique. Et oui, là je dis « lubrique » uniquement parce que j’étais déjà au bord de l’explosion.

En se levant, elle a fait tomber sa serviette. Je me suis baissé pour la ramasser et, avant que j’aie pu me relever, elle avait enfoncé ses doigts dans mes cheveux et plaqué mon visage tout contre son sexe, avec un petit couinement qui, j’en suis sûr, a rendu fous de désir tous les hommes du restaurant et la moitié des femmes. Ça n’a duré qu’un instant, mais j’ai eu le sentiment d’avoir connu le bonheur éternel.

J’ai regardé son formidable cul et le fantasme universel qu’il incarnait s’éloigner, avec regret et soulagement. Il me fallait une pause si je ne voulais pas ne décharger que dans mon caleçon ce soir.

Pendant sa courte absence, j’ai lutté de toutes mes forces pour ne pas imaginer toutes les choses salaces et affriolantes qu’elle faisait probablement aux toilettes et je me suis astreint à boire très vite plusieurs verres de vin pour essayer de débander et offrir à ma bite un répit salutaire, parce que je ne m’étais jamais posé la question jusque là, mais à cet instant précis j’avais acquis la certitude qu’on pouvait mourir d’une érection prolongée et non soulagée.

J’avais à peine eu le temps de me détendre un peu quand elle est revenue et j’ai tenté de lancer une conversation totalement dénuée de toute connotation sexuelle, mais il était impossible de rester insensible longtemps aux délices promises par ses lèvres charnues et gourmandes. Et je ne dis pas ça parce qu’à chaque fois que mes yeux quittaient ses seins et tombaient sur sa bouche, j’avais une furieuse envie d’y coller la mienne et de l’embrasser comme s’il en allait de ma vie. Non.

Je dis ça parce que sans cesse sa langue allait et venait le long de ses lèvres brillantes, en une invitation à peine déguisée à lui dévorer la bouche.

Je l’ai raccompagnée chez elle d’une démarche mal assurée, sous le double effet de mon ébriété avancée et de mon érection que tout l’alcool ingurgité n’avait pas apaisée. Elle m’a bien entendu proposé un dernier verre et j’ai bien entendu accepté.

« Jamais le premier soir », c’est un truc de filles, alors quand c’est la fille qui t’invite, une main sur ton entrejambe, à monter chez elle, tu ne fais même pas semblant de réfléchir avec autre chose que ta bite et tu vas tirer ce qui s’annonce comme le meilleur coup de ta vie.

Dans son salon, elle m’a dit de me mettre à l’aise avant de s’éclipser. J’ai enlevé ma veste et je me suis assis bien au fond du canapé, en essayant de penser à une vieille femme moche pour ne pas céder à une pulsion animale et me jeter sur elle brutalement pour la sauter par terre au milieu du salon dès qu’elle réapparaîtrait.

Ce n’est pas parce que la plus belle et la plus chaude des filles qu’il m’ait été donné de rencontrer venait de me faire monter chez elle après avoir passé la soirée à me malaxer les couilles qu’il fallait que je me comporte comme un sauvage pour autant. J’ai quand même eu du mal à ne pas me ruer sur elle quand elle est revenue entièrement nue, son corps en tous points fidèle aux merveilles que j’avais imaginées en reluquant son décolleté toute la soirée.

Je n’ai pas tout de suite vu ce qu’elle tenait à la main, mais je dois avouer que ce n’est pas ce qui avait attiré mon attention de prime abord, concentré comme je l’étais sur le galbe de ses hanches qui appelaient l’étreinte musclée. J’ai été surpris autant qu’amusé quand elle m’a tendu le rasoir en me disant « Epile-moi la chatte ».

J’ai hésité un instant, c’était inédit, mais tout dans cette soirée ressemblait à un fantasme improbable alors je me suis plié à son étonnante exigence et j’ai commencé à passer le rasoir sur son sexe.

Je ne sais pas quel cheminement tortueux mon esprit a bien pu suivre, mais au premier trait pâle que j’ai fait apparaître au milieu de la sombre toison de ma tigresse qui ronronnait, une image s’est imposée à moi. J’ai essayé de la chasser sans tarder, mais je ne voyais plus ni sexe moite et gourmand, ni poitrine généreuse et offerte, mais mon père. Mon père qui passait la tondeuse, consciencieusement, en suivant des lignes bien parallèles depuis le fond du jardin de mon enfance jusqu’à la terrasse, ne s’autorisant un petit crochet que pour contourner le puits en pneus que son père avait installé peu de temps avant sa mort et que jamais, jamais, mon père n’aurait osé déplacer, même s’il l’empêchait de tondre bien droit et bien parallèle. Papa.

J’ai senti mon regard se brouiller un peu à l’évocation de ce joli souvenir. J’ai regardé la chatte sous mon nez, les seins, les lèvres, les cuisses, le ventre… Rien. Plus rien. Rien que le ronron de la tondeuse, Papa et le puits en pneus.

 

J’ai compris que j’étais un indécrottable romantique et que cette fille n’était pas pour moi. J’ai bredouillé une excuse et je suis rentré chez moi feuilleter de vieux albums photos.

 

 

 

 

 

Merci à Rooooomain pour sa délicieuse anecdote !

 

 

 

 

 

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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 00:48

 

Un truc que font souvent les gens quand ils ont un pet de travers, c’est compenser.

Je parle des pets de travers dans la tête, comme un courant d’air qui n’irait pas droit d’une oreille à l’autre, mais soufflerait comme un petit vent de folie. Et quand je dis « les gens », je veux surtout dire « moi » et moi, quand ça ne va, donc, pas fort, je compense. En dépensant plein d’argent inutilement et en mangeant comme quatre.

Je vide mon compte en banque tout en me remplissant la panse et ce petit jeu de vases communicants a pour effet collatéral, par un lien de causalité que ni la raison ni la logique n’explique, de me vider l’esprit et de m’alléger l’âme.

Un autre effet secondaire, beaucoup plus évident à comprendre, est qu’à la fin du processus, on peut raisonnablement s’attendre à ce que je finisse pauvre et grosse ce qui, immanquablement, devrait me saper le moral alors qu’initialement, boulimie et achats compulsifs visaient justement à me le remonter. Le moral.

Reconnaissez que l’ironie de la chose est au moins aussi déroutante que désespérante, non ?

C’est en contemplant ma huitième paire de chaussures neuves du mois, même pas en solde, pendant que je raclais le fond du pot de Nutella englouti en attendant l’heure du dîner, que j’ai pris conscience du triste et inévitable devenir de la dépressive ordinaire que je semblais être. Et c’est là que j’ai eu l’idée.

Plutôt que dilapider l’argent et engranger les kilos, j’allais faire le contraire ! Au lieu de finir pauvre et grosse, je deviendrais riche et mince et si c’est pas ça, le secret du bonheur, c’est que quelque chose ne tourne pas rond parce que pas une voix à la télé ou dans les journaux n’ose prétendre le contraire !

Je me suis donc lancée à corps perdu dans cette nouvelle dynamique positive, mais… bon, je crois que ça ne va pas marcher. Le truc de filer ma bouffe au lieu de la manger, ça s’est bien passé. J’avais faim et j’ai failli me ronger un bras, mais j’ai tenu bon. En revanche… Bon, les pièces, c’est bien passé, mais les billets… Peut-être que je n’aurais pas dû boire, mais sinon c’était impossible ! J’avais beau mâcher et remâcher, rien à faire, ça passait pas. J’ai dû faire couler avec de l’eau. Résultat, je pense… enfin j’ai l’impression que ça a dû me faire une grosse boule de papier mâché dans le bide et j’arrive même pas à la chier ou à la vomir. J’ai perdu connaissance deux fois tellement j’avais mal et j’ai dû me cogner en tombant parce que j’ai les cheveux poisseux et il y a… plein de sang. J’arrive plus à me relever. J’arrive même plus vraiment à bouger, en fait. J’ai la vue qui se brouille un peu… Je devine toutes mes chaussures… là… en rang. C’est joli. Je sais pas si c’est mon regard ou… non, j’ai l’impression que j’ai mis du sang dessus. Ils vont jamais me les reprendre.

Et j’ai une putain de dalle.

 

 

 

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1 février 2011 2 01 /02 /février /2011 00:30

 

Elle était là, devant moi, toute joyeuse et sautillante, petite tache rose qui allait et venait en trottinant sous l’œil bienveillant de sa maman. Je la regardais avec amour et fierté. Ma petite fille et son grand sourire. Mon enfant chérie et son rire cristallin. Elle respirait la joie simple des enfants dont l’innocence et l’insouciance n’ont encore souffert aucune attaque cruelle de cet ennemi terrible qu’est l’existence. Elle n’était que légèreté et bonne humeur. Belle comme le jour, fraîche comme une rose.

J’étais perdue dans ses douces pensées quand je me suis subitement aperçue que je m’enlisais inexorablement dans une surabondance sirupeuse de clichés cul-cul et de poncifs gnangnan.

Atterrée autant qu’étonnée par cette bascule subite de mon esprit retors dans la mièvrerie niaiseuse, je me suis interrogée un instant sur ses causes profondes et c’est à ce moment précis que ma fille, son manteau rose et son indécrottable sourire m’ont acculée. Sans que j’aie le temps de comprendre ou de réagir, elle avait collé sous mon nez, dans un geste affecté souligné d’un regard doucereux, une fleur. « Pour toi maman chérie ».

Alors j’ai su que cette enfant serait ma perte. La mort de ma verve assassine. Le voile de mousseline rose posé sur mon regard cynique. Le morceau de sucre dans l’amertume de mon âme noire.

Dans ses petits yeux rieurs, ouverts sur tout un monde de merveilles à découvrir, je lisais ses plus sombres desseins et le récit implacable de ma déchéance. L’aplomb avec lequel elle venait de mener cette attaque subite et sournoise m’avait prise au dépourvu et menée au bord du gouffre. J’ai compris qu’elle ne reculerait devant rien pour précipiter ma disgrâce. C’était elle ou moi.

Alors j’ai doucement porté ma main à son cou. Son petit cou gracile et délicat. Une seule main suffirait. J’ai positionné chacun de mes doigts de façon à m’assurer la meilleure prise et à la seconde où j’ai commencé à serrer, elle m’a asséné son coup fatal. Elle a posé un énorme bécot sonore sur ma joue.

Avant même que mon cerveau n’ait enregistré l’ampleur exacte du drame qui venait de se jouer, ma main s’était relâchée et un sourire idiot avait pris possession de mes lèvres.

Je l’ai regardée repartir en gambadant gaiement et j’ai encaissé stoïquement cette nouvelle cuisante défaite.

 

 

 

 

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