Pour mener à bien une sombre tâche ménagère, j’avais besoin d’acide chlorhydrique. Je suis donc allée chez le marchand de couleurs pour en faire l’acquisition, mais, ne trouvant pas mon bonheur, j’ai dû demander de l’aide à un vendeur :
- Excusez-moi, je cherche de l’acide chlorhydrique s’il vous plaît…
Sans vraiment se retourner, il a marmonné :
- Hm… pour quoi faire ?
Je n’ai pas résisté :
- Pour dissoudre un cadavre.
Cette fois, il s’est retourné et, à la façon bizarre dont il m’a regardée, j’ai pensé qu’il n’avait pas saisi mon trait d’humour. J’ai eu peur qu’il appelle la police ou qu’il se mette à courir en tous sens en hurlant, mais au lieu de ça, avec un sourire désarmant, il s’est contenté de me demander :
- Combien vous en faut-il ?
- Oh… juste une bouteille.
- Ah, c’est pour un cadavre de souris, alors ?
Il avait de l’humour, finalement. Il m’a accompagnée à la caisse et quand il m’a demandé s’il pouvait m’inviter à dîner, j’ai compris que son regard bizarre était en fait un regard de mec qui drague et, sensible à ses charmes, j’ai accepté.
Le dîner s’est plutôt bien passé et, comme j’avais pensé à mettre de jolis sous-vêtements au cas où, j’ai accepté également d’aller prendre un dernier verre chez lui. Et c’est une fois dans son antre que j’ai compris que ce que j’avais pris pour de l’humour n’en était pas, alors que ce que j’avais pris pour de la bizarrerie en était bel et bien, mais à un niveau très supérieur à tout ce que j’aurais pu imaginer. Il a apparemment compris en même temps que moi sa méprise à mon sujet, mais il a été beaucoup plus rapide et, saucissonnée comme je le suis maintenant au milieu de ses autres victimes, à côté de sa cuve d’acide, je me rends compte que c’était un peu présomptueux de ma part de croire qu’un beau gosse pareil m’avait draguée.