- T’as quoi, là ?
- Où ça ?
- Là…
- Ben je sais pas, je vois pas.
- Comme une tache…
- Ah ça !
- Putain ! Mais c’est un suçon ?!
- Hin hin, t’es con…
Cette brève conversation me tournait en boucle dans la tête alors que mon cerveau essayait d’enregistrer l’étendue des dégâts que mes yeux découvraient.
Il n’avait rien ajouté, je l’avais embrassé distraitement avant de sortir et… Je commençais seulement à mesurer l’ampleur du désastre.
Le placard de l’entrée était ouvert, son contenu répandu au sol. Il avait… chié, oui, chié dans mes chaussures. J’imaginais que le liquide dans lequel trempait ma veste était donc de la pisse. Le séjour avait subi un saccage digne d’une chambre d’hôtel de star du rock de la belle époque : chaises et table en morceaux, buffet éventré vomissant sa vaisselle cassée, mes disques au milieu de ce qui devait avoir été mes livres avant de brûler, la télé explosée… Et le reste de l’appartement ne valait guère mieux. Il avait apparemment vidé tout ce que la cuisine comptait de coloré sur le lit - ketchup, confiture, œuf, nutella, … - et mes fringues étaient lacérées et souillées par ce que je supposais être du sperme.
En revanche, ses affaires à lui n’étaient plus là.
Il ne déconnait donc pas, avec son histoire de suçon. Il avait réellement pensé que quelqu’un m’avait suçoté le cou et il avait jugé que se barrer en mettant l’appartement à sac était la meilleure façon de réagir à la situation. Le tout en… combien ? Deux heures ? Trois ? Trois heures de rage folle pour foutre en l’air un appartement et à peu près tout ce que je possédais. Sans compter des années d’amour et de confiance réciproques.
Enfin… peut-être pas si réciproques que ça, après tout.
Neuf ans de vie commune, sans que ce porc dégénéré ne remarque la tache de naissance sur mon cou.