Les cosmétiques et moi n’avons jamais entretenu de relations très étroites – et ça se voit, diraient les mauvaises langues, mais c’est faux : je suis extrêmement belle, ma peau est lisse comme un cul, j’ai le teint divinement éclatant et je sens toujours très bon, simplement c’est naturel – pourtant j’ai dépensé une petite fortune en produits divers à l’huile d’argan.
L’huile d’argan, pour résumer, pousse dans l’arganier, un arbre un peu moche qui, lui, ne pousse qu’au Maroc et encore, pas partout. Et dans ce pas partout du Maroc où il se trouve justement que j’ai passé mes dernières vacances, on produit des tas de choses à base de cette fameuse huile aux nombreuses vertus très vertueuses pour l’éclat de la peau, son élasticité, son eczéma, ses boutons, ses rides et j’en passe, mais aussi pour les cheveux secs, cassants ou chutant et enfin également pour le cholestérol, le foie, le cerveau, la bite… ou peut-être pas la bite, mais de justesse.
Bref : l’huile d’argan est une promesse de beauté et de bonne santé, assez bon marché si la promesse est tenue et si on la compare à n’importe quelle crème de n’importe quelle marque autre que Robert Gros-Cailloux (dont je garantis l’anonymat sous un bon mot dont la finesse n’a d’égale que la drôlerie, afin de ne pas être accusée de publicité clandestine ou pire).
Outre le fait que l’huile d’argan ne suinte qu’avec parcimonie et, je ne vous le cache pas, l’intervention de quelques intermédiaires entre son état d’amandon dissimulé dans le noyau du fruit que seules les chèvres semblent manger et son état définitif d’huile de table, d’huile de massage ou de crème, elle présente également la particularité d’être essentiellement produite par des femmes, dans des coopératives féminines ayant vocation à améliorer les conditions de travail des femmes en général, des célibataires, veuves ou divorcées en particulier.
Du coup, la conjonction des trois arguments – vertus vertueuses, prix attractifs et contribution à l’amélioration de la condition féminine – m’ont poussée naturellement à acheter plein de trucs gras dont oindre mon corps tout entier. Chose que je ne fais pour ainsi dire jamais. Il n’est donc pas totalement impossible que je me sois surtout laissée séduire par une stratégie marketing bien huilée. Forcément.
Pour ceux que cet article laisserait un peu sur leur faim et qui s’étonneraient qu’en représailles, suite à ces dépenses imprévues en cosmétiques dont je n’ai pas l’usage puisque, encore une fois, je suis d’une beauté époustouflante dès le saut du lit sans qu’il soit besoin pour cela d’user de quelque subterfuge que ce soit, ceux qui s’étonneraient, donc, que je n’aie pas au moins éviscéré une chèvre pour la remplir d’huile avant d’y foutre le feu et de réduire en cendres toutes ces foutues forêts d’arganiers, je tiens à signaler que cette pensée ne les honore pas et que certaines de mes lectrices en ont quand même un tout petit peu marre de ces énervements stériles et quelque peu outranciers peut-être qu’il peut m’arriver d’avoir à l’occasion. Hors de question donc d’aller me suicider par ingurgitation massive de savon noir (résidu de la production d’huile d’argan), ou encore que j’envisage un seul instant d’attenter à l’intégrité physique de qui que ce soit par lapidation à coups de noyau de fruit d’arganier (qui ressemble un peu à un citron). (Le fruit). (Pas le noyau qui lui ressemble à un gland. Un gland de chêne, pas de bite sur laquelle l’huile d’argan n’a a priori aucun effet).