Ça puait la pisse et le tabac froid. Au point de presque masquer l’odeur de la mort, mais pas tout à fait quand même. Un matelas cradingue était posé dans un coin de la pièce et le sol était jonché de vieux joints, de seringues et de canettes de bière vides.

La locataire de ce cloaque gisait au milieu du merdier, face contre terre, les bras en croix, la culotte sur ses chevilles, la jupe relevée sur ses hanches et le bas qui avait servi à l’étrangler encore autour de son cou. Son regard était figé en direction de la fenêtre sale par laquelle elle avait peut-être vu le soleil une dernière fois.

Le proprio, qui faisait aussi office de gardien, avait pas pu nous apprendre grand-chose de la môme, si ce n’est qu’elle payait pas son loyer très régulièrement et qu’elle était plutôt du genre noctambule. Elle recevait peu a priori, mais il l’avait vue quelques fois rentrer avec des hommes. Il ne l’avait pas croisée depuis quelques jours, mais ça arrivait souvent et il n’avait pas eu de raison de s’en inquiéter. C’est l’odeur qui avait fini par le faire entrer.

Elle était maigre, plutôt mal fagotée et maquillée comme un carré d’as. Les croûtes au creux de ses bras laissaient peu de place au doute. Dans son sac ouvert on voyait des clopes et des capotes. On avait probablement affaire à une paumée qui faisait la pute pour payer sa came.

Ça, la disposition du corps et des fringues et la strangulation avec un objet appartenant à la victime cadraient avec notre tueur. Si l’autopsie confirmait, ce serait son quatrième meurtre en 6 mois. Et en 6 mois d’enquête, 3 scènes de crimes et les meilleurs flics sur le coup on n’avait toujours pas le moindre début de piste à suivre.

J’avais appelé moi-même le légiste pour qu’il s’occupe du corps au plus vite et qu’il nous dise s’il y avait bien la signature de notre gars. Un putain de taré. On bossait avec un criminologue qui nous en avait dressé un profil assez précis. Bien sûr, c’est pas une science exacte, mais c’est pas complètement farfelu non plus et on se faisait apparemment narguer par un asocial probablement peu imposant physiquement, sexuellement peu voire pas expérimenté, introverti, solitaire et complexé. Le genre à qui les gosses jettent des cailloux dans la rue. Et il tuait impunément sans qu’on ait encore la moindre idée de qui pouvait bien être ce foutu détraqué. On avait tout pour le confondre – empreintes digitales et ADN – mais pour ça il fallait déjà mettre la main dessus. Et vite.

Il signait ses crimes en enfonçant un genre de perle dans le vagin de ses victimes. Enquêteurs, scientifiques et consultants divers s’étaient penchés sur le mystère et avaient échafaudé des tas de théories et c’est finalement un jeune technicien versé dans la bondieuserie qui a trouvé : ce sont les « grains » d’un chapelet. Le gars a sa façon à lui de l’égrener.

On a fait appel à un théologien pour qu’il nous aide à donner un sens à ces meurtres et on n’a pas encore beaucoup avancé de ce coté, mais on a au moins appris un truc : y a 5 dizaines de grains sur un chapelet. On en est à 4 cadavres. On a intérêt à l’arrêter vite.