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6 octobre 2009 2 06 /10 /octobre /2009 11:34


J’ai toujours détesté les jours de lessive.
Je revois la bassine dans laquelle j’aurais pu tenir tout entière, l’eau que Mamy mettait à bouillir dedans, la buée qui venait brouiller la vue sur les fenêtres et les piles de draps et serviettes que Mamy lavait pour l’hôtel en bas de chez elle.
Moi je venais après l’école, les jours où Maman devait travailler tard. Papy avait gardé des jouets de son enfance, mais je n’avais pas le droit d’y toucher, alors je les regardais dans le placard en attendant que Mamy me donne mon goûter. Mais elle n’y pensait pas toujours. Les jours de lessive, avec ses mains rougies par l’eau bouillante, je n’avais même pas trop envie qu’elle y pense. Elles me faisaient un peu peur, ses mains qui ne semblaient plus vraiment lui appartenir, tant leur couleur paraissait surréaliste par rapport au blanc du linge et à la pâleur de sa peau laiteuse. Ses mains, rouges et crevassées à cause de la lessive, de la javel.
Ça piquait les yeux aussi, tous ces produits dans les vapeurs qui envahissaient tout le petit appartement. Et l’odeur. L’odeur du propre. Cette odeur qui me chatouillait le nez et me faisait renifler.
Parfois Mamy me demandait de l’aider à tordre les serviettes pour les essorer. Ça me brûlait les mains et me faisait mal aux poignets, de les tenir très fort pour pas lâcher quand elle tournait, encore, encore, encore pour en faire une torsade toute serrée dont plus une goutte ne s’échappait. Ensuite elle faisait un nœud pour les garder serrées.
Quand il m’arrivait de lâcher la serviette, si jamais elle tombait par terre, Mamy en prenait une déjà tordue et nouée et m’en donnait un coup dans le dos. Elle appelait ça la fessée mais elle tapait jamais dans les fesses. Toujours dans les reins. Alors je pleurais en silence, parce que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, ma fille, et si je pleurais elle tapait encore. Je faisais comme si c’était juste les produits qui me piquaient les yeux.
Quand Maman arrivait enfin, Mamy s’excusait, c’est jour de lessive, la petite supporte pas, elle a les yeux rouges. Je ne pouvais pas mettre mon cartable sur mon dos douloureux, alors Maman se plaignait au maître de nous donner tant de livres à porter qui nous brisaient les reins.
J’ai toujours détesté les jours de lessive.





Ecrit pour les Impromptus littéraires : écriture sur image.



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commentaires

T
<br /> abah, voilà, tu me rassures... en voilà une qui sait les tenir, les mioches.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> ah ben la déconne ça va 5 minutes, hein, mais faut pas pousser non plus.<br /> <br /> <br />
P
<br /> charmante histoire ! enfin : histoire charmante, quoi.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> oui, hein ? moi aussi je suis sous le charme de cette vieille carne ;o)<br /> <br /> <br />

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